Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les sujets qui les inspirent particulièrement. Aujourd’hui, Myriam Boulos nous plonge dans son monde engagé et poétique, fait de couleurs vives et d’une esthétisme fascinant. Son œuvre, comme ses inspirations, portent autant sur les territoires, réels et symboliques, de l’oppression que sur les fantasmes sexuels.
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ?
Mon gros plan sur deux femmes qui s’embrassent – il s’agit de la couverture de mon livre What’s Ours ?Je crois que cette image contient tout ce que je recherche dans la photographie : les textures, la proximité, la résistance et la tendresse. Nous avons pris cette photo dans le Grand théâtre de Beyrouth, où des artistes comme Oum Kalthoum et Mohammed Abd El Wahab se sont produit·es. Pendant la guerre civile, le théâtre a eu différentes fonctions et a été progressivement abandonné. Solidere (la Société libanaise pour le développement et la reconstruction du centre-ville de Beyrouth, NDLR) a fini par en prendre le contrôle. Au début de la révolution, nous, les manifestant·es, avons récupéré le théâtre et nous le sommes réapproprié·es.
Cette photo représente pour moi la phase où mon travail est devenu beaucoup plus collaboratif.
Je ne l’ai pas publiée après l’avoir prise. Deux ans plus tard, Vanity Fair m’a contactée car iels étaient à la recherche d’une image de baiser pour l’une de leurs couvertures. Nous avons eu de longues conversations avec les personnes qui figurent sur la photo, afin de nous assurer qu’elles voulaient la partager avec le monde, et que nous voulions prendre ce risque ensemble. Ce cliché m’a fait prendre conscience du pouvoir à la fois fascinant et effrayant des images. Elles sont autant un moyen de prendre l’espace et d’exister simplement, qu’elles peuvent être employées contre nous et nous blesser. Aujourd’hui, mon livre n’est pas distribué au Liban parce que cette image mettrait en danger les personnes qui y figurent.
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ?
Je ne me souviens pas de la première photographie qui m’a frappée. À l’âge de 4 ans, mes parents ont acheté un livre sur la grossesse pour nous annoncer, à ma sœur et à moi, que nous allions avoir un frère. Je me souviens très bien de l’image d’un jus d’orange sur le ventre d’une femme enceinte, ainsi que de celle d’un fœtus dans le ventre de sa mère. Ces photos étaient très chaleureuses.
Un shooting rêvé ?
Je rêve de photographier Mia Khalifa ! Avec une bonne équipe. Je rêve aussi de séances photo intimes. Où il y a une vraie connexion, où le moment de la prise d’image est précieux, et où nous créons une image ensemble. Une prise de vue qui crée de belles rencontres – c’est d’ailleurs pour l’une des raisons pour lesquelles je suis tombée amoureuse de la photographie.
Un ou une artiste que tu admires par-dessus tout ?
J’ai un coup de cœur pour le travail de la photographe iranienne Shirin Aliabadi.
Une émotion à illustrer ?
La tendresse, c’est une émotion ?
Un genre photographique ?
La photographie érotique, avec laquelle on ne sait jamais ce qui est le plus puissant entre la présence physique et l’image !
Un territoire imaginaire ou réel à capturer ?
S’agissant d’un territoire réel, je veux avant tout écouter et documenter la Palestine. Quant au territoire imaginaire, je pense aux fantasmes sexuels : je documente actuellement ceux des femmes et des personnes qui ont été socialisées comme des femmes. Dans ce travail, la géographie et le territoire sont nos corps.
Une thématique que tu aimes particulièrement aborder et voir aborder ?
Les histoires personnelles et intimes qui explorent des questions sociopolitiques.
Un événement photographique que tu n’oublieras jamais ?
La rétrospective Provoke (sur la photographie au Japon de 1960 à 1975,ndlr) au BAL.
Une œuvre d’art qui t’inspire particulièrement ?
J’ai tellement de réponses en tête que je vais choisir les peintures de Sohrab Hura !