Dans Pennedepie X, Olivier Degen recompose une décennie de souvenirs de famille. Au gré des différents tableaux jaillissent tantôt des images précises, tantôt des flous portés par des émotions qui invitent à profiter de l’instant présent.
« C’est un lieu que nous avons investi avec ma famille il y a dix ans, une petite maison délabrée au milieu d’une grande prairie longée par un cours d’eau. Dix ans, j’ai pensé que c’était un bon prétexte, une bonne temporalité pour évoquer un espace, ce qui s’y passe ou pas », commence Olivier Degen. En toute sobriété, Pennedepie X renvoie ainsi à la commune normande et à la période au cours de laquelle les clichés qui composent l’ouvrage ont pris vie. Au fil des pages se découvrent des monochromes du quotidien dont les traits nets se troublent jusqu’à l’abstraction dès lors qu’ils passent à la couleur, témoignant de la fragilité de ces instants, mais également de « la beauté et de l’angoisse de l’évanescence ».
En quête d’une autre lumière
« Je souhaite être dans le registre de l’évocation, avec des images qui laissent de la place à la sensibilité et l’imagination de celui ou celle qui regarde. La narration familiale dans ce lieu est importante pour moi, j’ai voulu la faire à bas bruit – ce qui nécessite sans doute une attention particulière pour en saisir les sons, les vibrations », poursuit le photographe. Dans les paysages comme dans les portraits s’opère un jeu d’apparitions et de disparitions. À la manière de réminiscences, les fragments d’images rémanentes se confondent à des impressions vives, tout aussi marquantes. « C’est le moment présent qui m’intéresse, la beauté du moment qui peut revêtir différentes formes », souligne-t-il.
Cet ouvrage, comme le précédent, s’ouvre sur des mots de Roberto Juarroz. « Il a de magnifiques fulgurances. On a envie de les partager. Toute son œuvre porte le même titre : Poésie verticale. Chaque tome est numéroté pour être distingué des autres. J’aime ce à quoi renvoie cette verticalité, cette profondeur et cette transcendance. Lui étant perpendiculaire, elle s’inscrit aussi en rapport à un horizon. » Dans la citation liminaire, le poète fait notamment allusion à une « autre lumière ». Conditionnant notre manière d’appréhender les choses, elle nous permet, selon Olivier Degen, de nous ancrer dans un environnement et sa réalité. « Pour le ou la photographe, “oser la créer” correspond à la façon de prendre une image ou de composer un recueil – donc un travail de subjectivation –, de rendre compte d’un sujet, de la relation singulière qu’il ou elle entretient avec lui », achève notre interlocuteur.