Le photographe iconique Peter Knapp est exposé jusqu’au 26 mai au Musée de la Photographie de Charleroi. Mon temps retrace la création de l’univers explosif de cet auteur, qui a introduit la photographie de mode dans la modernité.
L’exposition Mon temps, consacrée à Peter Knapp au Musée de la Photographie de Charleroi, met en avant sa personnalité créative de 1965 à 1980. Photographe de mode décalé, il assure la ligne éditoriale du magazine Elle, fondé par Hélène Lazareff en 1959, et il sert de cette plateforme privilégiée pour révolutionner les codes du genre. Lazareff, après son expérience chez Harper’s Bazaar, veut lancer une revue de mode cohérente avec son temps, notamment en dépoussiérant l’image figée et monolithique des mannequins. Le papier glacé sort de son statut « sacré » pour devenir un support créatif détonnant. Peter Knapp donne alors naissance à une photographie de mode en mouvement, en déconstruisant l’idée du « chic ». Fini les attitudes guindées, les corps figés, les ambiances marbrées et monumentales des maisons de couture. Lazareff et Knapp subliment le prêt-à-porter et les langages urbains, le quotidien et une certaine joie de vivre. Les formes se libèrent et suivent l’émancipation progressive des femmes. Le droit de vote leur a été accordé et le photographe est déterminé à rendre compte de cette avancée historique : l’émancipation passe aussi par le vêtement et Elle, selon ses fondateur·ices, se doit d’en être l’un des étendards.
Une esthétique du mouvement
Simone de Beauvoir, Marguerite Duras ou Françoise Sagan : ce ne sont que quelques-unes des plumes qui marquent les premières années du magazine Elle et qui accompagnent ainsi la libération des femmes. Pour aller avec ces propos révolutionnaires pour l’époque, Peter Knapp crée une maquette qui bouscule les codes à travers le graphisme et la typographie. Il n’hésite pas à utiliser la peinture, il multiplie les diagonales – sa signature, avec sa double page –, les gros plans, les contre-plongées, les références « géométrisantes » typiques de ces années-là, où la mode était dominée par les lignes de Courrèges ou d’Ungaro. Il prône une véritable esthétique du mouvement : ses mannequins flottent dans les airs, marchent dans la rue, s’activent dans des scènes du quotidien… Le photographe les filme parfois en 16 mm, pour ensuite en isoler quelques images et être le plus possible près du réel. Ce même style, il va le transposer à ses collaborations avec des émissions télé, comme Dim Dam Dom de Daisy Galard. Malgré les nombreuses avancées que l’image a accompli en termes de représentation des femmes depuis les années 1960, Peter Knapp a été l’un de ceux qui ont forgé le regard de la modernité, avec ses innovations et ses, parfois fausses, révolutions. Avec Man Ray, Jeanloup Sieff, en passant par Maurice Tabard, Richard Avedon ou Erwin Blumenfeld, il a contribué à faire de la photographie de mode un genre à part entière. C’est précisément cette approche mélangeant mode et regard social que l’exposition Mon temps veut mettre en lumière.