Les Photaumnales 2024 met l’alimentation au centre de toutes les réflexions. Dans une modernité occidentale qui promet technologie, progrès et abondance, quid de la justice alimentaire et de la surconsommation de ressources ? 25 artistes tâchent de répondre à ces questions en menant des travaux sur notre façon de nous représenter la nourriture. FESTINS, les photographes à table aura lieu du 21 septembre au 31 décembre.
Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es. De ce postulat, naît l’édition 2024 des Photaumnales à Beauvais. À travers les travaux de 25 artistes, cette édition s’attache à montrer comment notre société envisage son rapport avec la nourriture et quelles sont ses représentations des aliments. Nourrir notre corps, nourrir notre esprit, certes, mais aussi consommer. Comment notre rapport au manger a-t-il évolué en ère capitaliste ? Comment le geste élémentaire de la nutrition a-t-il été impacté par le besoin anthropologique définir le soi par le consumérisme ? On invite donc les photographes à table pour qu’iels nous dévoilent ce que l’on mange, ce que nous pensons voir, notre rôle dans la société du vivant, et ce que l’on vit dans nos quotidiens respectifs et comment cela peut influer sur notre manière de penser.
Les auteurices explorent les liens entre consommation et durabilité, alimentation et nouvelles technologies, ainsi que l’apparition de nouveaux modes de consommation et leur impact sur les nouvelles économies et les nouvelles pratiques. Il sera question d’injustice alimentaire, de nous interroger sur les différences économiques et sociales qui transforment la nutrition d’acte joyeux de rassemblement ou consommation inconsciente en un enjeu premier de survie. Les photographes Chow et Lin soulèvent le problème crucial du seuil de pauvreté. Qui mange quoi en fonction de ses moyens ? Peut-on plaider pour une démocratie alimentaire ? Toute tentative de justice et de paix, ne devrait-elle pas passer par la question de « qui mange quoi » ?
Hyper Life : acheter du rêve en grande surface
Cette édition est aussi l’occasion de découvrir les travaux photographiques issus de la grande commande Radioscopie de la France : regards sur un pays traversé par la crise sanitaire, pilotée par la Bibliothèque nationale de France. Avec Hyper Life, Stéphanie Lacombe, résidente auprès du Centre d’art Diaphane, met l’accent sur la solitude et l’uniformisation provoquées par la surconsommation dans les espaces non urbains. « En province, quand les magasins disparaissent des centres-villes au profit des centres commerciaux alentours, c’est la solitude qui prend place » explique la photographe. « Les habitant·es vivent alors dans un monde ennuyeux, vide, désincarné. Comme il n’y a plus de lien et de service dans la rue principale, ils vont acheter du rêve et des fruits exotiques en grande surface. »
Selon Stéphanie Lacombe, l’hyper-marché est l’incarnation de la société marchande mais, paradoxalement, il est aussi un endroit de rencontre et de vie sociale au sein de zones délaissées par le pouvoir central. C’est cette tentative d’évasion que l’artiste capture dans sa série, comme si l’acte d’aller se procurer de la nourriture était investi d’un rôle de liant social et il était porteur, au fond, d’un sentiment d’allégresse. Dans ses clichés, elle observe le damier grisâtre des parkings, les charriots très remplis ou presque vides, des individus attendant dans des voitures, ces bâtiments aux décorations consternantes plantés au beau milieu de régions rurales. Une analyse fine de ce que le consumérisme fait à nos territoires, à notre sociabilisation, mais aussi sur les inattendues zones de paradoxe rendant les hyper-marchés incontournables. Font partie de la commande les travaux de Daniel Challe, Olivier Culmann, Olivia Gay, Claire Jachimiak, Jean-Francois Joly, Stéphanie Lacombe, Sophie Loubaton, Myr Muratet et Fred Stucin. Les œuvres de ces neuf photographes seront exposées à la Maison de la Culture d’Amiens.