Planches Contact 2023 à Deauville, un raz de marée de créativité ! 

17 novembre 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Planches Contact 2023 à Deauville, un raz de marée de créativité ! 
Gone with the wind © The Anonymous Project
© Sandra Matamoros
© Richard Pak

Jusqu’au 7 janvier 2024, la ville de Deauville se transforme en un grand espace d’exposition à ciel ouvert dans le cadre du festival photographique Planches Contact. Sous le signe de l’inventivité et de la fraternité, cette remarquable 14e édition vous fera plonger, la tête la première, dans l’univers des 25 photographes exposé·es.

La station balnéaire de Deauville vit au rythme du médium depuis le 21 octobre dernier. Créé en 2010, le festival photographique Planches Contact invite chaque année des artistes en résidence afin de produire des projets inédits et de les exposer dans différents lieux de la ville. La seule règle à respecter : illustrer l’identité plurielle du territoire normand. Que vous soyez une personne flâneuse, rêveuse, passionnée ou professionnelle du 8e art, cet évènement incontournable vous fera voyager dans les profondeurs de la Normandie avec des processus, des inspirations et des œuvres aussi variées que fascinantes. « Aujourd’hui, la photographie est de plus en plus attractive, en revanche nous pouvons encore franchir des étapes. Chaque année, le festival s’enrichit avec de nouvelles approches de présentation du médium et de nouveaux lieux extérieurs, mais également intérieurs. Laura Serani, la directrice artistique du festival, ne cesse d’innover et trouver de nouvelles idées », constate Philippe Augier, maire de Deauville, à l’occasion de l’inauguration de la 14e édition. Véritable soutien à la création, Planches Contact se révèle aussi comme un défi pour les participant·es et les organisateur·ices. Au-delà de la conception d’images, une forme de laboratoire collectif se met en place. « On construit le festival en même temps que les photographes construisent leurs séries », confie Niccolò Hébel, chargé de production. Les artistes et l’équipe de l’évènement échangent, s’entraident afin de créer, à l’unisson, cet admirable rendez-vous culturel. 

© Margot Wallard – Daniel Wallard

© Max Pam

Une ancre dans le présent

Cette année encore, Planches Contact renouvelle une programmation fondée sur le passé, le présent et le futur du 8e art. Le festival invite dix artistes ancré·es dans la sphère photographique actuelle à venir passer quelques semaines en résidence de création, au cœur de Deauville. Parmi d’autres photographes invité·es, Omar Victor Diop nous plonge dans ses songes personnels et colorés dignes des films de Wes Anderson. Dans Hors Saison(s), l’adepte de l’autoportrait investit les rues deauvillaises avec ses collages digitaux mêlant les arts plastiques et la mode. En capturant des villas typiques de la région et en les plaçant dans des paysages aux couleurs pastels, Omar Victor Diop créé, selon ses mots, « une saison entre un automne trop beau et un hiver aux airs du printemps ».

La déambulation se poursuit aux Franciscaines, un ancien couvent réhabilité en lieu culturel, avec la collection de 70 diptyques de Max Pam. « Aucun de ces travaux n’existerait s’il n’y avait pas ce festival et cette résidence. Je suis venu d’Australie et j’ai eu six semaines pour créer. Je n’avais pas le droit à l’erreur, car l’aller-retour est comme un voyage interstellaire. Chaque image a besoin de sa binarité pour fonctionner », explique le photographe qui s’est inspiré de ses rêves notés précautionneusement dans un carnet dès son réveil. Ses œuvres recouvrent les cimaises, formant elles-mêmes une sorte de tunnel. Un tunnel permettant de traverser le présent jusqu’au futur, en direction des artistes du Tremplin Jeunes Talents. 

19h30 © Omar Victor Diop
© Julia Lê
© Julia Lê

Prendre le large vers des créations émergentes et engagées

En 2016, dans un objectif de soutien à la photographie émergente, Planches Contact a mis en place le Tremplin Jeunes Talents. Cette année, cinq artistes ont été sélectionné·es et exposent désormais aux Franciscaines, au milieu de photographes de renom. Présidé par Sarah Moon, le jury de Planches Contact a décerné son grand prix à Julia Lê pour son projet Come Rain Come Shine où elle dresse un portrait tendre et intime des femmes de chambre des hôtels de la Côte Fleurie. « Je voulais rendre visibles des personnes invisibles. Ces femmes ont accepté de venir devant l’objectif alors que ce n’est pas quelque chose d’évident pour elles. Leur métier force à l’invisibilisation. Il aura fallu beaucoup de temps et de patience avant qu’elles acceptent mais au final nous nous sommes beaucoup amusées. J’ai mis en place un dispositif avec un déclencheur à distance pour plus de détente, j’ai eu de la chance de tomber sur elles », témoigne la photographe franco-américaine originaire du Vietnam.

Notre pérégrination nous emporte à l’espace d’expositions Le Point de Vue, où le festival donne à voir les cinq photographes sélectionné·es par photo4food. Créée par Virginie et Olivier Goy, cette fondation vise à financer des repas pour les plus démuni·es grâce à la vente de photos. Depuis 2020, cette collaboration permet la découverte de jeunes artistes ainsi que la mise aux enchères d’œuvres dont l’entièreté des bénéfices est destinée à une association soutenue par la fondation. Dans ce cadre, Julien Mignot expérimente une photographie plus conceptuelle et présente Temps présent, une série de paysages maritimes aux couleurs apaisantes interrogeant l’horizon et le temps à travers un long cheminement. « J’envisage les résidences comme des prises de risque et non pas pour réaliser ce que je sais déjà faire. Je voulais observer les motifs et les couleurs de la mer et du ciel. Je posais donc ma chambre photographique sur la plage toute la journée et j’en tirais quelque chose de l’ordre du sensationnel, loin du réel », explique Julien Mignot.

À l’instar de ces clichés contemplatifs, Sandra Matamoros compose dans Point de bascule des images mystiques. Frappée par la réalité destructrice de la côte, la photographe plasticienne, capture un cube miroir, élément récurrent de son processus artistique, dans des rochers du littoral, mais également dans des gravas de déchèterie afin d’illustrer poétiquement la fragilité de la nature. « J’ai souhaité dévoiler une approche minérale, telle une pièce manquante d’un puzzle qu’on peut imaginer dans un paysage futur », précise-t-elle. Puis, non loin de là, la mer offre à voir une vision du passé, qui se confond dans une certaine modernité appréciée. 

© Julien Mignot
© Julien Mignot
En haut : Palm Springs 1960 © Robert Doisneau – Courtesy Atelier Robert Doisneau ; en bas : Au bord du Niger, Mali 1974 © Malick Sidibé – Courtesy galerie Magnin-A

Exposer le passé pour conter notre société

Sur le large banc de sable, nous assistons au mariage insolite des visuels de Robert Doisneau et Malick Sidibé. Alors que tout semble les opposer, les deux photographes se retrouvent réunis dans une exposition aussi étonnante qu’évidente. Pour Laura Serani, les deux artistes auraient pu être de grands amis. De ce constat, elle associe les images issues d’un reportage de Robert Doisneau sur la construction de golfs de Palm Springs, repère fétiche des riches retraité·es, aux clichés saisis par Malick Sidibé de jeunes de Bamako profitant de la nouvelle piscine de la ville ou du fleuve Niger. Une union de prime abord saugrenue qui s’avère être révélatrice de mœurs du passé, mais aussi d’aujourd’hui. 

Enfin le voyage normand s’achève avec le formidable The Anonymous Project, piloté par Lee Shulman, qui investit de nouveau des endroits improbables de la ville. Les photos de famille du 20e siècle collectées par l’artiste parent les drapeaux du bord de mer, les voiles de bateaux non loin du port ou encore les célèbres cabines de plage. Ces dernières sont notamment habillées par des clichés de la collection mettant en lumière des chiens. Un tendre hommage à ces petits êtres à quatre pattes qui se baladent sur la prestigieuse promenade des Planches. Un point final amusant qui permet, avant tout, d’interroger notre rapport aux souvenirs et à la photographie.

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