Jusqu’au 5 janvier 2025, Deauville accueille le festival Planches Contact pour sa 15e édition. Comme à l’accoutumée, les photographes en résidence ont saisi les contours de la région normande pour en restituer son essence.
En cette fin d’octobre, le soleil nimbe Deauville d’une aura singulière. Ce climat clément est propice aux longues promenades sur les Planches. Les lattes, tout juste séculaires, grincent sous nos pas. Elles sont parsemées de grains de sable transportés au gré des passages, notamment ceux du vent qui emporte les bribes de conversations et les rires. Dans le lointain, la mer se confond dans l’azur. L’air est joyeux, le temps aboli. Nous semblons minuscules dans ce si vaste espace dont émanent tant de souvenirs, personnels et universels, parfois même historiques. Comme pour insuffler encore davantage d’onirisme à ce paysage enchanteur, d’immenses cubes peuplent la plage. Sur chacune de leurs faces se découvrent des tirages, réalisés par de grands noms du 8e art comme des talents émergents. Leur présence indique que Planches Contact a commencé.
Comme chaque année depuis maintenant quinze années, l’évènement transforme la ville en un terrain d’expositions en plein air. Il démocratise ainsi la culture, comme le souhaitait Philippe Augier, maire et président des Franciscaines, un centre culturel qui intègre chacune des œuvres produites à ses collections afin de créer des archives d’un autre genre. « Grâce au travail passionné de Laura Serani et du Pôle photographique des Franciscaines qui ont fait entrer le festival dans une riche maturité, nous avons créé un lieu supplémentaire d’échange et de partage ouvert à tous les publics », se réjouit-il. Dans le cadre de cette nouvelle édition, près de vingt artistes ont passé quelques semaines en résidence. Dans des sensibilités et des pratiques qui leur sont propres, toutes et tous ont restitué les contours de leurs déambulations normandes. Une fois de plus, la programmation s’articule autour de rencontres avec le territoire et les populations qui l’habitent au quotidien ou pour quelques jours. Le passé et le présent s’entremêlent aussi bien dans les approches que dans les sujets pour mieux penser l’avenir.
Prendre le temps de flâner
Au bord de la Manche, la poésie a pris ses quartiers. Le temps d’un automne, elle se découvre dans des recoins de l’espace public. Au Grand Bain, par exemple, Bettina Pittaluga présente In Bed with, une série intime qui se prête bien à cet endroit. Les portraits qui la composent ont été réalisés dans des lits. Pour l’autrice, ces derniers sont pareils à des bulles protectrices où l’authenticité est reine. À l’image, les histoires personnelles des modèles se dévoilent. Les regards et les gestes prévalent sur les mots. À quelques pas de là, au Petit Bain, Joan Alvado s’intéresse, dans Les Échos du Nord, à l’héritage viking qui continue d’animer l’identité culturelle et le paysage normand. En face, sur le sable, la disposition des cubes présentant les tirages de Dominique Issermann rappelle des mégalithes. Rapprochés, ils forment un prisme de photographies de mode, de villes et de détails, toujours en noir et blanc, dans lequel nous nous perdons volontiers. Sophie Alyz, exposée sur la plage et au Point de Vue, témoigne du recul du trait de côte. Pour ce faire, l’artiste a recours à une pointe sèche et à des supports d’impression inadaptés. Dans cette esthétique délicate qui la caractérise, les couleurs bavent, créent un flou qui nous invite à sonder l’environnement.
Aux Franciscaines, l’expérimentation du temps et du territoire se poursuit. Patricia Morosan, qui signe That Every Stone Is, éprouve les falaises des Vaches Noires au moyen de sérigraphies élaborées à l’aide de pigments réalisés par ses soins. Leurs nuances font écho à celles des formations rocheuses dont les strates regorgent de fossiles, ces « témoins silencieux du passage du temps », qui datent de la période jurassique et crétacée. D’une autre manière, Richard Pak procède également à une découpe de la côte normande, qu’il recompose ensuite. Tel un « voleur d’îles », il extrait ces dernières de ses clichés pour les regrouper en un archipel fictif, prenant place sur un pan de papier peint du musée. Inspirée d’une théorie développée en 1988 dans la revue Nature, Sara Imloul défend quant à elle l’idée selon laquelle l’eau aurait une mémoire. « Les plages, les murs, les surfaces de Deauville sont des pages blanches, des planches à dessiner, à rêver, pour fonder le théâtre de cette nouvelle série autobiographique et allégorique en lien direct avec ces éléments naturels si particuliers », explique-t-elle.
L’exposition Le Siècle des vacances, mettant en lumière une sélection du fonds photographique de la Fnac, s’inscrit dans cette tendance. La mise en scène s’efface au profit des œuvres, signées de grands noms du médium, qui se suffisent à elles-mêmes et ne manquent pas de nous faire voyager, de laisser notre esprit songeur. Sur le fond comme dans la forme, plastique et scénographique, les images de Planches Contact s’ancrent ainsi dans les paysages desquels elles ont été extraites. Elles nous poussent à prendre le temps de flâner pour mieux découvrir cette si belle région. Dans le sillage des précédentes éditions, de nombreux évènements rythmeront le festival jusqu’au 5 janvier. Parmi eux se compte une vente aux enchères organisée avec la fondation photo4food. L’ensemble des fonds recueillis est reversé à la Croix-Rouge qui, par le biais d’initiatives locales, offre des repas aux personnes les plus démunies.