Puissance 4

18 mars 2019   •  
Écrit par Benoît Baume
Puissance 4

J’ai tardé à débuter l’écriture de cette chronique tant ce début d’année 2019 semblait intarissable en nouvelles morbides pour l’univers de la photo. Jean-Maurice Rouquette, historien et cofondateur des Rencontres d’Arles nous a quittés le 22 janvier. Henry Chapier, illustre homme de télé et de cinéma, mais surtout à l’origine de la Maison européenne de la photographie, en 1994, s’est lui éteint le 27 janvier. Bien plus imprévu et soudain fut le décès de Xavier Barral, le 16 février. Éditeur des meilleurs livres photo de ces dernières années, il avait le don de trouver l’alchimie entre le fond et la forme de ses ouvrages. À 63 ans, il laisse un vide sidéral dans le petit milieu de l’édition photo où il avait travaillé avec les auteurs les plus en vue. Enfin, même si on retient surtout son extravagance et son succès incommensurable à la tête de Chanel, le départ de Karl Lagerfeld le 19 février prive le monde de la photographie d’un grand défenseur. Photographe passionné, il collectionnait les appareils et multipliait les prises de vue dont on avait pu voir l’ampleur au début de 2016 dans une exposition avortée par la fermeture inattendue de la Pinacothèque.

De ces quatre figures, aucune n’était avant tout photographe, et pourtant leur départ ébranle notre petit monde. Ils nous montrent à quel point festivals, institutions, curateurs, mécènes, éditeurs et autres intermédiaires sont devenus aussi centraux que les photographes eux-mêmes. Malgré l’heure du média personnel, le photographe ne peut avancer seul dans ce monde complexe. Lorsqu’on cherche à savoir pourquoi une image devient célèbre, la chaîne d’actions qui prévaut est aussi alambiquée qu’imprévisible. Et c’est bien la multiplication des regards qui légitime un travail d’auteur dans le monde de la photographie d’aujourd’hui. Si ces quatre départs nous marquent autant, c’est que chacun avait osé en cassant des codes ou en tentant l’impossible. Ainsi, en 1965, Jean-Maurice Rouquette, alors conservateur du musée Réattu d’Arles, décide, sur les conseils de son ami, Lucien Clergue, d’écrire aux plus grands photographes de l’époque pour débuter une collection contemporaine. Et contre toute attente, quasiment tous répondent positivement en envoyant des clichés gratuitement pour nourrir cette collection naissante. Ansel Adams, Richard Avedon, Cecil Beaton, Brassaï, Denis Brihat, Jean Dieuzaide, Robert Doisneau, Lucien Hervé, Izis ou Man Ray sont, entre autres, présents parmi les 400 donateurs. Une générosité qui semblerait presque naïve aujourd’hui, et dont Jean-Maurice Rouquette a su profiter sans trahir, encore aujourd’hui, l’esprit. C’est d’ailleurs au sein de cette collection du musée Réattu, que les Rencontres d’Arles ont entreposé la leur, qui est en train d’être redécouverte aujourd’hui avec près de 4000 pièces que l’on devrait retrouver en partie cet été à l’occasion de la 50e édition du plus grand festival de photo.

Plus que des noms dans un livre d’histoire, ces quatre personnages éloignés les uns des autres représentaient des points cardinaux. La photographie perd ses repères. Il faut désormais les réinventer. Et la tâche semble bien vaste à une époque où plus personne n’accepte d’être enfermé dans une case.

Explorez
Florescence : Étienne Francey cultive son jardin imaginaire
Croissant de lune © Etienne Francey
Florescence : Étienne Francey cultive son jardin imaginaire
La Fisheye Gallery accueille le jardin imagé du photographe suisse Étienne Francey du 6 mars au 5 avril 2025. Intitulée Florescence...
01 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Le PhotoVogue Festival 2025 met la photographie de mode au service de la nature 
© Fee Gloria Groenemeyer
Le PhotoVogue Festival 2025 met la photographie de mode au service de la nature 
Du 6 au 9 mars 2025, le PhotoVogue Festival présentera sa 9e édition à Milan. Fidèle à son approche de la photographie de mode...
27 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #495 : lumière du jour
© Karin Noguchi / Instagram
La sélection Instagram #495 : lumière du jour
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine poursuivent le rayon lumineux du soleil. Celui qui aveugle, celui qui réchauffe...
25 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
© Léo Baranger
Fisheye #70 : la photographie de mode montre ses griffes
Alors que la Fashion Week parisienne vient de s’achever, Fisheye consacre son numéro #70 à la mode. Au fil des pages, photographes et...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Man Ray célébré par Reporters sans frontières
© Man Ray
Man Ray célébré par Reporters sans frontières
Pour son 78e album photographique, Reporters sans frontières, l'association engagée pour la liberté de la presse, met à l'honneur l'œuvre...
11 mars 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
La sélection Instagram #497 : ni blanc ni noir
© collage.art.syb / Instagram
La sélection Instagram #497 : ni blanc ni noir
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine plongent dans un océan monochrome. Iels sondent les nuances de gris, les noirs...
11 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l'œil de Lorène Durret : Marc Riboud et la guerre du Vietnam loin du front
Un dimanche après-midi au bord du Petit Lac à Hanoï, Nord Vietnam, 1969 © Fonds Marc Riboud au musée Guimet
Dans l’œil de Lorène Durret : Marc Riboud et la guerre du Vietnam loin du front
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Lorène Durret, co-commissaire de l’exposition Marc Riboud – Photographies du Vietnam 1966-1976...
10 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger