Le festival de la jeune photographie européenne Circulation(s) fête cette année sa 15e édition. Dénicheur de talents émergents depuis ses débuts, il est le miroir d’une jeunesse en quête de sens, qui s’émancipe des carcans de la création artistique. En quinze ans d’existence, il a révélé et accompagné les photographes de demain qui se comptent par dizaines. Mais que sont-iels devenu·es ? La rédaction de Fisheye en a rencontré trois qui témoignent aujourd’hui des effets du festival sur leur carrière.
Tom Kleinberg (2024)
Fisheye : Qu’est-ce que Circulation(s) t’a apporté ?
Tom Kleinberg : Circulation(s) m’a permis d’exposer mon travail, mais surtout d’apprendre à en parler. Forgotten in The Dark, la série que j’y ai présentée pour l’édition 2024, est mon projet de fin d’études pour lequel je me suis immergé au cœur de la scène queer coréenne pendant six mois. Le festival a pu faire vivre ce projet en dehors du cursus scolaire, le déployer concrètement dans un espace tangible. Je me suis interrogé sur l’aspect immersif de l’œuvre que je proposais de découvrir, au dialogue entre photographies et vidéos. Je pense qu’avec l’avènement du numérique, nos travaux sont de moins en moins montrés en physique et Circulation(s) a joué ce rôle de plateforme. J’ai eu de nombreux retours de la part des spectateur·ices et, aujourd’hui, ce travail qui n’avait pas vocation à se développer se réinvente sous de nouvelles formes.
Comment la série exposée a-t-elle évolué ?
Aujourd’hui, je fais évoluer Forgotten in The Dark à travers d’autres projets. Je reste confiné dans les ballrooms et les milieux queers, mais je voyage. Je vais partir au Japon, justement, pour étendre cette série avec les communautés LGBTQIA+ de l’Archipel. Mais, pour le moment, il n’y a pas eu de nouvelles expositions.
Sur quoi travailles-tu actuellement ?
Je travaille sur un film documentaire à portée narrative sur l’île de Formose. L’idée, c’est de pouvoir partir avec une microproduction et réaliser une œuvre plus conséquente, toujours sur les milieux queers. C’est aussi une façon de répondre à Forgotten in The Dark. Mais à la différence de la série exposée à Circulation(s), qui suivait une approche documentaire mêlant mouvements et multiples visages, là, je préfère me concentrer sur deux ou trois profils issus des ballrooms taïwanais, révéler leur identité de manière approfondie. Pendant quatre mois, j’étais en processus d’écriture et je viens de déposer ce projet pour obtenir des financements.
Ann Massal (2023)
Fisheye : Qu’est-ce que Circulation(s) t’a apporté ?
Ann Massal : Circulation(s) m’a permis de donner plus de visibilité à mon travail et de faire des rencontres extraordinaires parmi les artistes, la presse et les équipes, je pense tout particulièrement à ma curatrice Marie Guillemin. Mais plus que tout, cela a renforcé ma confiance en moi. Après avoir été exposée dans ce festival, j’ai postulé pour une résidence de recherche à la Maison européenne de la photographie (MEP) avec un projet d’écriture intitulé Photo Against The Machine. Durant la résidence, j’ai réalisé un dialogue entre une intelligence artificielle et la collection des œuvres de l’institution. En a découlé un livre aux éditions JBE Books.
Comment la série exposée a-t-elle évolué ?
On Love, Violence & The Lack of It [la série présentée à Circulation(s) en 2023, ndlr] a voyagé dans une vingtaine de pays en marge de grands rassemblements photographiques, car la maquette du livre éponyme avait été sélectionnée pour les Photobook Dummy Awards en 2023. Elle a également été exposée au musée de la Photographie de Clermont-Ferrand.
Sur quoi travailles-tu actuellement ?
Je travaille sur trois projets en simultané, qui ont tous pour point commun des questions qui me taraudent… Je souhaiterais donner à voir un monde moins manichéen, moins binaire. J’aime beaucoup cette phrase de Paul Klee qui dit : « L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible. » Ouvrir le sens plutôt que l’enfermer. Un de ces projets s’intitule Le Mur des Plaintes et le titre fait écho à l’endroit où il sera montré, c’est-à-dire sur les plinthes. Il plaide pour un art au ras du sol, un art qui nous réapprendrait à regarder sans surplomber… Car selon moi, tout est une question de point de vue.
400 copies
80 pages
Jenni Toivonen (2023)
Fisheye : Qu’est-ce que Circulation(s) t’a apporté ?
Jenni Toivonen : J’ai pu nouer de précieux contacts avec des artistes et des commissaires, et me faire connaître dans la presse internationale. Circulation(s) a donné une importante visibilité à mon travail grâce au grand nombre de visiteurs, de même qu’à l’extension de l’exposition aux couloirs du métro parisien. J’ai également réussi à vendre des œuvres pendant le festival.
Comment la série exposée a-t-elle évolué ?
Je suis sur le point de publier mon premier livre, Are We There, qui est basé sur le travail qui a été exposé. L’éditeur est Kult Books. L’année dernière, j’ai également été sélectionnée pour faire partie de la plateforme FUTURES parmi les Futures Nordic Talents 2024. La série a été présentée au festival photo de Copenhague en 2024.
Sur quoi travailles-tu actuellement ?
Je viens de terminer le travail sur Are We There, que je vais commencer à promouvoir et à vendre par le biais de salons du livre photo, comme celui qui se tiendra à Arles cet été. Il y sera d’ailleurs lancé. Parallèlement, je travaille sur de nouvelles séries, l’une liée à la maison de mon enfance et à une forêt en Finlande, et l’autre à un village indigène en Amazonie brésilienne.