
Après huit mois de travaux pour rénovation, le Pavillon populaire de Montpellier rouvre ses portes. À cette occasion, le musée accueille Extrême Hôtel, de Raymond Depardon, jusqu’au 12 avril 2026. Réalisée à partir d’une carte blanche confiée à deux commissaires, l’exposition donne à voir ses tirages en couleur, parmi lesquels se comptent de nombreux inédits.
Trois ans après Communes, Raymond Depardon réinvestit le Pavillon populaire avec un nouvel accrochage réunissant près de 150 tirages. Intitulé Extrême Hôtel et visible jusqu’au 12 avril prochain, celui-ci résulte d’une carte blanche dont l’objectif consiste à « montrer comment son travail de photoreporter l’a amené vers l’intime », explique Marie Perennès, commissaire de l’exposition aux côtés de Simon Depardon. Ce mouvement s’exprime notamment par l’usage de la couleur, celle-là même qu’il emploie quand « il cherche la douceur », indique-t-elle. Pendant longtemps, le membre de l’agence Magnum a opposé ces projets-là – qu’il jugeait plus difficiles à réaliser – à ceux aux nuances monochromes qui ont fait sa renommée. S’il assure être « arrivé à une paix intérieure », cette rétrospective montpelliéraine s’impose, selon lui, comme une manière de renouveler son regard sur son œuvre.
Un prisme plus intime
Pour élaborer Extrême Hôtel, les commissaires ont pu s’immiscer dans les archives couleur de Raymond Depardon. Pour chacun de ses déplacements, le photographe avait coutume de s’équiper de deux boîtiers : l’un chargé d’une pellicule en noir et blanc, destinée à ses reportages, et l’autre d’un film en couleur, qui devait servir à saisir une image accrocheuse pour la couverture de titres tels que Paris Match ou Life. Dans l’une des premières salles du musée, nous redécouvrons ainsi quelques-unes de ses séries pour la presse. Des Jeux olympiques à la politique française et américaine, en passant par des sujets au Chili, en Algérie, au Liban, en Afghanistan ou au Vietnam, ses compositions retracent une histoire du monde et du photojournalisme. Dans les vitrines, les passeports, les billets d’avion ou encore les accréditations dont l’auteur disposait prennent place. Tous ces éléments sont d’époque et participent à esquisser les grandes lignes de la vie d’une agence.
Dans un autre espace à la dominante orangée se dévoilent des compositions pour la DATAR, à savoir la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, datant de 1984. Les pièces dépeuplées s’avèrent être celles de la ferme de ses parents. Cette série à la chambre cristallise la façon dont Raymond Depardon se réapproprie une commande à travers un prisme plus intime, une approche en couleur. Notre déambulation nous mène ensuite dans une grande salle regroupant des images du monde entier. La scénographie nous invite à nous perdre dans le dédale de ces rues, de ces fragments d’existence saisis sur le vif, comme le photographe a pu le faire au moment de ses prises de vue. D’autres recoins sont plus ciblés géographiquement. À Glasgow, « la couleur devient le sujet de cette atmosphère assez sombre », souligne Simon Depardon. À Carthagène, à Tokyo ou au bord de la Méditerranée, ses clichés « montrent qu’il retourne sur des lieux qu’il a déjà photographiés pour chercher autre chose », assure Marie Perennès. L’ensemble, dépourvu de son contexte, permet alors d’appréhender ce vaste corpus différemment. Les visiteurs se sentent comme des voyageurs tandis que la beauté et le geste prévalent sur le reste. Sans véritables repères, ils observent, prennent parfois le temps d’essayer de comprendre, et se laissent toucher par les détails qui retiennent leur attention.