Dans Je n’écris plus pour moi seule, la photographe française Lise Dua fait dialoguer les souvenirs de ses parents avec ses propres créations. Un récit aux voix multiples réunissant passé et présent.
« J’ai longtemps eu l’impression d’être venue à la photographie assez tard. Je me rends compte aujourd’hui, en observant les images réalisées par mon père, que cet apprentissage a en fait commencé bien plus tôt, par observation et imitation »,
raconte Lise Dua. Aujourd’hui photographe et enseignante en photographie, l’artiste française développe des projets intimes, dans lesquelles elle interroge les notions de répétition, de ressemblance et de dualité. Souvent écrits sur plusieurs années, ses récits visuels jouent avec le temps et ses distorsions et mettent en scène des individus en pleine évolution.
Je n’écris plus pour moi seule est un récit familial, intergénérationnel. « Mes parents se sont rencontrés au club photo. À mes trois ans, ils se séparent, et mon père me photographie plus fréquemment – je deviens son modèle. Peu à peu, il délaisse le 8e art, et, de mon côté, j’oublie ses images. Lorsque je redécouvre le médium, je me tourne instinctivement vers ma sœur, qui deviendra, à son tour, mon modèle de prédilection », explique l’auteure. Les similarités entre leurs écritures – échos troublants entre passé et présent – la poussent alors à se plonger dans les archives de ses parents.
Marie et Lise, 1994
Une histoire familiale anachronique
Planches contacts, diapositives, négatifs… Lise Dua s’immerge dans la collection de clichés de son père, et les confronte à ses propres créations. « J’ai compris qu’il me fallait interroger l’idée de transmission inconsciente », confie-t-elle. Peu à peu, le projet s’enrichit de textes de sa mère, et prend la forme d’un ouvrage. Un livre retraçant, de manière anachronique, une histoire familiale. Il est difficile, au fil des images, de distinguer le rêve du réel, et le passé du présent. Textes, archives et clichés contemporains fusionnent, et se nourrissent les uns des autres. Au cœur de cette épopée intime, les relations s’enchevêtrent et l’héritage photographique prend de l’importance. Passés d’un parent à l’enfant, le goût pour l’art et l’envie de capter un moment, transcendent les époques.
« Ce projet m’a permis de me poser des questions autour du point de vue : qui prend la photographie ? Où le photographe se place-t-il, par rapport au modèle ? Que nous montre ce dernier ? La manière dont les images sont prises nous renseignent quant au rôle que chacun occupe au sein de la famille, et quant aux relations entre les individus », ajoute Lise Dua. Bercée par les souvenirs de sa jeunesse, elle compose un conte imagé et laisse parler son imaginaire enfantin. Entre jeux de mémoire et inventions, elle rédige un journal aux voix multiples, une « enquête protéiforme autour de la famille ».
à g. Michel photographiant, anonyme, autour de 1990, à d. Clara par Lise, 2012
Lise et Michel, par Michel, 1998
à g. Lise par Michel, 2004, à d. Lise et Clara, par Lise, 2010
Assemblage de différentes photographies d’identité de Marie, Clara et Lise, entre 1970 et 2019
à g. Lise par Michel, 2003, à d. Clara par Lise, 2013
Marie et Lise, par Michel, 1990
à g. Lise par Michel, 1997, à d. Lise et Michel, par Lise, 2014
© Lise Dua