
Jusqu’au 25 janvier 2026, Sarah van Rij investit le Studio de la Maison européenne de la photographie et présente Atlas of Echoes. À l’occasion de cette première exposition personnelle en France, qui s’accompagne de la sortie d’un beau-livre aux éditions Note Note, nous avons rencontré l’artiste néerlandaise. Pour Fisheye, elle revient sur sa perception des métropoles et de la photographie de rue, et explique en quoi cet événement marque un tournant dans sa carrière.
Fisheye : Atlas of Echoes entremêle plusieurs de tes séries. Quels échos perçois-tu entre les différentes villes que tu photographies ?
Sarah van Rij : Déjà, le titre Atlas of Echoes vient de la commissaire d’exposition de la MEP, Victoria Aresheva, qui a rédigé le texte de mon livre et avec qui j’ai également collaboré sur cette exposition, au même moment. Elle a beaucoup discuté avec mes éditeurs et c’est elle qui a imaginé cette formulation que j’ai trouvée magnifique. Les échos sont présents dans beaucoup d’aspects de mon travail. Tout d’abord, il s’agit des souvenirs. J’adore l’histoire et je suis toujours très consciente des multiples couches, des multiples périodes qui composent les villes. Il y a donc des échos à cet égard, et comme je capture différents endroits par fragments qui, ensemble, forment une sorte d’œuvre, il y a aussi une résonnance entre eux. Et puis, il y a mes collages, bien sûr, qui sont assez récents et dans lesquels je mélange des villes. Il peut y avoir une photographie de Paris associée à une autre de Séoul, par exemple. Là encore, j’ai l’impression de créer une espèce d’écho dans une nouvelle image.
Comment définirais-tu les métropoles ? Pourquoi t’intéressent-elles autant ?
Ce qui m’attire le plus, dans les grandes villes, c’est la combinaison d’émotions que l’on y ressent. C’est un endroit où l’on sent qu’il y a des chances, des opportunités. Les gens partent là-bas avec de l’espoir, des désirs, mais ils n’aboutissent pas toujours. C’est donc également un endroit où il y a de la solitude, des rêves brisés ou de la mélancolie, pour faire le lien avec mon précédent livre. Dans mon travail et chez les personnes que je photographie, pas tout le temps, mais assez souvent, il y a des figures emblématiques. Je suis simplement attirée par ce rythme, ce mélange d’émotions, de personnes et d’histoires aussi condensées, aussi intenses.




112 pages
58 €
La rue est généralement associée aux hommes ou à la masculinité. Comment te réappropries-tu cet espace ?
Dans le domaine de l’art, nous avons un peu de retard à rattraper en matière de représentation. Quand j’ai commencé la photographie de rue, je cherchais ma voie en tant que femme. Je ressentais les différences entre mon partenaire, David [van der Leeuw], avec qui je travaille beaucoup, et moi. Je veux dire, il y a des avantages et des inconvénients des deux côtés. Cela peut sembler cliché et ridicule, mais il est vrai que, en tant que femme, on peut souvent s’en tirer à bon compte, même avec les hommes, pour ainsi dire. David peut être plus rapidement dans une situation où l’on se demande ce qu’il fait, où il y a une sorte d’énergie intense. Une femme, d’un autre côté, est plus préoccupée par son apparence, par sa façon de s’habiller. J’ai connu des périodes où j’étais très consciente, selon l’endroit où j’allais, où je voyageais, où je photographiais, de ce que je portais. Cela est en partie lié au genre, mais c’est aussi sans doute normal, pour un photographe de rue, de songer à cela. On souhaite, en quelque sorte, se fondre dans la masse. On ne veut pas se faire remarquer. Mais oui, il y a ce sentiment accru de la féminité, et je pense que nous sommes toujours comme ça, très conscientes. Mais je revendique simplement mon espace et je fais mon travail.
Le livre qui accompagne ton exposition est ta première monographie. En quoi cette publication marque-t-elle un tournant dans ta carrière ?
C’est un moment très spécial pour moi. Mes séries forment un ensemble constant et continu, dans lequel je travaille parfois sur des projets spécifiques, avec différents éléments. Il y a donc mes autoportraits, mes collages, mes œuvres de rue et mes natures mortes. Ces fragments et ce vaste puzzle que je suis en train de créer témoignent d’un dialogue permanent entre le monde et moi. Rassembler tout cela dans un livre est vraiment agréable. C’est un moment de calme où je peux réfléchir à ce que j’ai fait jusqu’à présent. Collaborer avec ma maison d’édition, avec les commissaires d’exposition, revoir les photographies, faire des sélections est d’autant plus plaisant à une époque où la vie va très vite, surtout en ligne. J’ai eu le temps de respirer, d’avoir de nouvelles idées. C’est toujours bien d’avoir cette période d’immobilité, de créer quelque chose de physique pour entrer dans une nouvelle phase.


