Souffles de vie

18 février 2020   •  
Écrit par Anaïs Viand
Souffles de vie

Frédéric Martin, 45 ans, a choisi de photographier sa compagne, borderline, afin d’accepter la maladie. Il signe avec L’absente, un travail intime et poignant.

La peur, et les espoirs. « Voici ce sur quoi repose mon quotidien. Le projet  L’absente est né presque par hasard, à la suite d’une image capturée un soir d’hiver : ma compagne, déjà malade, marchait le long d’un mur aveugle. En la regardant, j’ai réalisé que c’était l’exacte métaphore de ce que nous vivions : un mur, la nuit, le froid… », se souvient Frédéric Martin. Enseignant de 45 ans, il est aussi l’auteur d’une série poignante autour de sa femme souffrant d’un trouble borderline, provoquant dépression, anorexie et pensées morbides. Ce travail photographique n’est pas une thérapie ni un remède. « Cette série est surtout un écran entre la maladie, sa violence, et moi. C’était plus une façon de partager notre vie de tous les jours, tout en se protégeant de ses effets parfois dévastateurs », précise-t-il.

Fin 2018, suite à des lectures de portfolio et une masterclass animée par Flore, Sylvie Hugues et Adrian Claret, il réalise à quel point la photographie est indissociable de sa vie quotidienne. « Je conçois le 8e art comme un journal intime. Le terme « catharsis » est surement un peu fort, mais il est clair qu’il est un besoin et qu’il m’aide à formaliser une certaine mélancolie ». Un déclic survenu après la lecture de l’ouvrage d’Antoine d’Agata, Mala Noche. « J’ai reçu une véritable claque. En parcourant ce livre, j’ai compris que l’image pouvait évoquer avec banalité et violence des éléments très intimes. Cela a participé à briser un aspect trop techniciste de mon approche », confie-t-il.

© Frédéric Martin

Le pire moment de la maladie

Dans ce flot de sentiments et d’images mélancoliques, une photo retient particulièrement l’attention. « Ma compagne est de dos, torse nu. Son corps est émacié, les côtes saillantes. Cette image représente le pire moment de la maladie. Elle pèse 46 kg, broie du noir en permanence, et a des angoisses incessantes. Et pourtant, elle est en vie, et effectue ce geste de pudeur, de protection. Paradoxalement, elle m’offre ce moment. Tout aurait pu basculer à cette époque. », commente l’artiste. Aujourd’hui, sa femme « va – un peu – mieux ». Quant à  sa pratique photographique ? Elle a évolué. « Je ne vois plus la photo comme quelque chose qui pourrait être, mais comme quelque chose qui est, confie-t-il. Pour être bonne, une photo doit avant tout être sincère. J’ai aussi appris à ne jamais perdre espoir, et à admirer ma compagne et sa force. La vie peut détruire une personne. En apprenant à relativiser mes malheurs, mes états d’âme, j’ai grandi. J’ai réalisé que les gens possèdent un élan de vie inouï ». Avec L’absente, Frédéric Martin signe une hymne à la vie, en même temps qu’une ôde à l’amour.

Cette série a été réalisée dans le cadre de FotoMasterclass, un accompagnement photo de 8 mois.

© Frédéric Martin

© Frédéric Martin

© Frédéric Martin

© Frédéric Martin

© Frédéric Martin

© Frédéric Martin

Explorez
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Nadya Akane, dans la série In Praise of Silence © Eman Ali
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Eman Ali compose The Praise of Silence, fruit d’une résidence artistique à Tokyo. La photographe explore, dans un travail collaboratif...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
© Éléa-Jeanne Schmitter
Éléa-Jeanne Schmitter en zone trouble
Die Tore – en allemand, « les portes » – a été publié dans le livre On Death édité par Humble Arts Foundation et Kris Graves Projects...
03 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
Les coups de cœur #545 : Rose Guiheux et Maksim Semionov
Melvin and Milan's room, 2024 © Rose Guiheux
Les coups de cœur #545 : Rose Guiheux et Maksim Semionov
Rose Guiheux et Maksim Semionov, nos coups de cœur de la semaine, explorent l’individu dans son rapport à l’autre et à l’espace. Abordant...
02 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Love, de la série Huá biàn © Agathe Veidt
Huá biàn : quand la musique se rebelle
Agathe Veidt saisit la fête et les chants de révolte au cœur d’une boîte de nuit de renom à Shenzhen. De retour en France, elle tricote...
29 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Nadya Akane, dans la série In Praise of Silence © Eman Ali
Eman Ali : dans les interstices des identités tokyoïtes
Eman Ali compose The Praise of Silence, fruit d’une résidence artistique à Tokyo. La photographe explore, dans un travail collaboratif...
Il y a 6 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d'Arles 2025
Extrait de Father (Atelier EXB Paris, 2024) © Diana Markosian
18 séries photo à découvrir aux Rencontres d’Arles 2025
Alors que la 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles approche à grands pas, la rédaction de Fisheye vous invite à...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
@ Daniel Rampulla / Instagram
La sélection Instagram #510 : Quand le flou fait image
Le flou peut transformer, voiler ou révéler ce qui habite une image. Les photographes de notre sélection Instagram de la semaine jouent...
10 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Au fil des pages du joli Cafoucho de Boby
Cafoucho © Boby
Au fil des pages du joli Cafoucho de Boby
Boby sort son premier livre, Cafoucho, publié chez Fisheye Éditions. Mêlant exigence informative et recherche esthétique, il compile...
09 juin 2025   •  
Écrit par Anna Rouxel