Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont particulièrement marquée. Des récits personnels aux visites de divers événements, c’est le moment de (re)partager nos derniers coups de cœur photo !
Robin Friend
5 novembre. Une foule dense se rassemble près de barricades. Dans l’obscurité, on décèle à peine les silhouettes, une menace sourde semble planer, le silence nous saisit, l’attente. Et puis, quelque part, un feu d’artifice éclate. Une allumette craque, et un brasier éclaire la scène. Dans Apiary, Robin Friend a documenté la Guy Fawkes’ Night, une fête britannique en l’honneur de la Conspiration des poudres, une tentative échouée de faire sauter le parlement, en 1605. Dans un monochrome graphique aux clairs-obscurs théâtraux, il fige aujourd’hui le spectacle à ciel ouvert qu’offre ce rassemblement : les étincelles, la chaleur des flammes, et les corps qui se meuvent dans le chaos de la célébration.
Austn Fischer
« Mon travail vise à proposer une conversation inclusive et stimulante qui crée une connexion avec un large public, encourageant à une compréhension plus profonde des questions de genre et de sexualité », explique Austen Fischer, nourri par les réflexions de Susan Sontag et Roland Barthes, le photographe venu du Midwest trouve sur Tinder des modèles avec qui il initie un dialogue autour de la fluidité des genres, comme de l’inclusivité. De cette connexion émerge une mosaïque de portraits interrogeant les notions de désir et de séduction comme le rapport à la mode et à l’esthétique dans l’acceptation de soi. Un travail au raffinement délicat, jouant admirablement de chacune de ces nuances.
Marie Le Gall
De retour au Maroc après vingt ans passé loin du territoire, Marie Le Gall « reconstruit », par l’image, sa vision d’un pays à la fois familier et étranger. Intime, comme une lettre tendre à un être cher, dont l’absence nous coûte, le projet jette des ombres dramatiques sur les corps et les paysages, fragments sublimés, ou symboles d’un souvenir à-demi effacés, comme autant de tentatives de se sentir exister au sein d’un espace, non pas comme un·e invité·e mais comme un·e protagoniste de son récit. « Ce ne sont pas les images qui répondent à ce que le Maroc peut être dans l’inconscient collectif qui m’intéressent. Je tente de creuser le lien qui me tient à ce pays et qui, depuis mon retour, m’habite et me répare », raconte l’autrice.
Elie Monferier
Dans Sanctuaire d’Elie Monferier, la suie semble recouvrir Lourdes, des pavés des rues aux cimes des cathédrales. Les images deviennent gravures, les ombres creusent les orbites, rendent les foules anonymes, errances de fidèles dans une noirceur oppressante. Pourtant, çà et là, la lumière éclaire une borderie, un ornement, comme une respiration inattendue – celle de la foi. Entre la douleur qui infuse la ville et l’espoir qui l’élève, le photographe bordelais multiplie les interventions sur l’image pour révéler l’invisible – l’âme du lieu. « En partant du prince que la condition d’une apparition mystique est la disparition du réel, Je souhaitais savoir ce qui apparaîtrait en faisant disparaître le médium », nous confie-t-il.
Chaumont-sur-Loire
Au Château de Chaumont-sur-Loire, la nature sert d’écrin et d’inspiration aux photographes et à leurs œuvres. Dans ce lieu hors du temps, cette année, Edward Burtynsky, Laurent Millet, Letizia Le Fur, Nicolas Bruant et Jens Liebchen subliment les plantes, les déserts comme les forêts, faisant résonner leurs esthétiques. Hommage aux tissus splendides importés d’Orient durant le 18e siècle, décors post-Fukushima, arbres majestueux aux noirs profonds, Polynésie française décolorée par la cendre des essais nucléaires et visions aériennes des blessures infligées à notre Terre s’y croisent, comme autant d’évasions et d’engagements à découvrir absolument. « Grâce à l’art, les êtres humains peuvent être plus conscient·es de l’impact de leurs actions », conclut d’ailleurs Edward Burtynsky.