Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder

21 novembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Mode et séduction : Austn Fischer allie art et Tinder
© Austn Fischer
© Austn Fischer

Installé à Londres, Austn Fischer puise dans les ressorts de la communauté LGBTQIA+ pour interroger les notions traditionnelles de genre. Dans Gaze, le photographe américain entend amorcer un dialogue gravitant autour de l’inclusivité et du regard que nous portons sur les corps.

Dans des portraits en noir et blanc se dévoilent des silhouettes variées, tout droit sorties du réel. En certains aspects, leurs contours rappellent ceux que Claude Cahun et Marcel Moore dépeignaient en leur temps. Malgré quelques récentes évolutions, ces visions demeurent pourtant atypiques. « Gaze est un examen de la manière dont l’image peut exister pour moi, mais dont sa portée peut changer en fonction du public qui s’y intéresse, évoque Austn Fischer. Le regard sert de catalyseur à la façon dont nous nous représentons nous-mêmes et à ce qu’un cliché peut signifier selon la personne qui l’observe. » Originaire de la région du Midwest, aux États-Unis, l’artiste visuel cherche à refléter les expériences et les identités multiples qui s’expriment au sein de la communauté LGBTQIA+. 

© Austn Fischer
© Austn Fischer

Mieux appréhender certains rouages de notre époque

Pour ce faire, l’artiste puise notamment dans les théories contemporaines sur la performance de genre, mais aussi dans les essais Sur la photographie (1977) de Susan Sontag et La Chambre claire (1980) de Roland Barthes. « Ces deux ouvrages m’intéressent parce qu’ils offrent une vision de la photographie qui met en balance les expériences individuelles et les implications sociétales plus larges. Ces réflexions m’ont aidé à contextualiser Gaze et à examiner réellement ce qu’est une image et ce qu’elle peut signifier », souligne-t-il. La série s’impose dès lors comme un dialogue permanent, pensé en trois temps, qui évoluera à mesure que le concept des identités queers gagnera en nuances. « Mon travail vise à proposer une conversation inclusive et stimulante qui crée une connexion avec un large public, encourageant à une compréhension plus profonde des questions de genre et de sexualité », assure l’auteur.

Les modèles qui peuplent ses portraits ont été trouvés par l’entremise de Tinder. L’objectif consistait en l’exploration des complexités de la culture du « swipe » et le désir profond de rencontres. En creux se dessine une autre problématique, celle de la manière dont les adeptes de ces plateformes se présentent pour séduire un ou une partenaire. C’est alors que la mode entre en jeu : « C’est un outil. Elle facilite la conversation. Il y a tellement de significations, de la couleur à la forme, que l’on peut se forger une identité sans avoir à prononcer un mot. Je suis dyslexique et j’ai toujours eu du mal à parler et à écrire, et je pense que c’est ce qui m’a attiré vers la photographie. La rapidité avec laquelle on peut explorer un grand nombre d’idées en fait une discipline naturelle. Elle m’a aidé à accepter ma sexualité et je continue à l’utiliser pour approfondir les choses qui me mettent mal à l’aise ou sur lesquelles je veux réfléchir. » À l’aide de son boîtier, Austn Fischer s’approprie ainsi les codes de cet univers pour mieux appréhender certains rouages de notre époque.

© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
© Austn Fischer
À lire aussi
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
© Hugo Mapelli
Quand la photographie s’inspire de la mode pour expérimenter
Parmi les thématiques abordées sur les pages de notre site comme dans celles de notre magazine se trouve la mode. Par l’intermédiaire de…
17 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Tarek Mawad et les mouvements des corps
© Tarek Mawad
Tarek Mawad et les mouvements des corps
À l’instar de ses muses, Tarek Mawad, photographe de mode germano-égyptien, est porté par un mouvement permanent.
05 avril 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Quand la photo fait du genre
© Jean Ranobrac, modèle : Cody, série Men on Canvas
Quand la photo fait du genre
La communauté LGBTQIA+ s’est emparée de la photographie dès son invention, au 19e siècle. Le médium s’impose comme un support de…
09 mai 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Harmony Korine et agnès b., une amitié hors norme
© Harmony Korine
Harmony Korine et agnès b., une amitié hors norme
Agnès b. présente la nouvelle exposition de son fonds artistique à La Fab. Celle-ci est dédiée à l'œuvre d’Harmony Korine dont elle...
11 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Batul : Transitionner pour se retrouver
© Paul Mesnager
Batul : Transitionner pour se retrouver
Portrait intimiste, Batul suit le voyage initiatique d’une protagoniste dans sa transformation radicale – de genre et de religion – suite...
11 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans l’œil de Phillip Toledano : le coût humain et émotionnel de la guerre
© Phillip Toledano
Dans l’œil de Phillip Toledano : le coût humain et émotionnel de la guerre
Cette semaine, plongée dans l’œil de Phillip Toledano, qui signe We Are At War. Dans ce projet, l’artiste conceptuel entend réécrire le...
09 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Mame-Diarra Niang : photographe de l'évanescence
© Mame-Diarra Niang
Mame-Diarra Niang : photographe de l’évanescence
Remember to Forget, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, est la première monographie française de Mame-Diarra Niang. Dans ses séries...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Nicolas Serve : en cure et à cri
© Nicolas Serve
Nicolas Serve : en cure et à cri
Dans Les Abîmés, Nicolas Serve poursuit son travail sur la dépendance à certaines substances. Ici, il raconte la cure de désintoxication...
À l'instant   •  
Écrit par Gwénaëlle Fliti
Harmony Korine et agnès b., une amitié hors norme
© Harmony Korine
Harmony Korine et agnès b., une amitié hors norme
Agnès b. présente la nouvelle exposition de son fonds artistique à La Fab. Celle-ci est dédiée à l'œuvre d’Harmony Korine dont elle...
11 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Batul : Transitionner pour se retrouver
© Paul Mesnager
Batul : Transitionner pour se retrouver
Portrait intimiste, Batul suit le voyage initiatique d’une protagoniste dans sa transformation radicale – de genre et de religion – suite...
11 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Julien Lombardi remporte le prix Photographie & Sciences 2024
© Julien Lombardi, Planeta, UV 395 nm, 2024
Julien Lombardi remporte le prix Photographie & Sciences 2024
Le jury de la quatrième édition du prix Photographie & Sciences a récompensé Julien Lombardi. Sa série primée, Planeta, prend pour...
10 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet