Jusqu’au 23 février, la Galerie VU’ expose les photographies de Stéphane Duroy, reporter et photographe de guerre qui a raconté l’Europe du siècle dernier dans une approche à la fois documentaire et conceptuelle. L’exposition célèbre la sortie du Photo Poche qui lui est dédié.
Membre de l’Agence VU’ depuis ses débuts, Stéphane Duroy fait partie des grands photographes documentaires français. Très vite, il s’est démarqué pour ses photos de guerre, qui racontent une Europe du XXe siècle traversée par des conflits sanguinaires et des crises d’identités dramatiques. À l’occasion de la parution aux Éditions Actes Sud du Photo Poche qui lui est consacré, la Galerie VU’ présente une exposition rétrospective qui revient sur l’essence même du travail de ce photographe. Son style est unique et mélange un œil journalistique avec une capacité narrative puissante. Son travail ne se limite pas au document qui dénonce, ni au photojournalisme : il vise plutôt une zone de compréhension de l’histoire par des symboles simples, efficaces, qui ne s’attardent pas sur l’anecdote ni sur le sensationnalisme. De la tragique situation sociale de la Grande-Bretagne des années 1970 à la chute du Mur, en passant par les reportages dans une Europe de l’Est ravagée par les combats, le photographe pose sur le monde contemporain un regard sans fioritures, en quête des racines qui forgent notre présent.
Un regard désenchanté sur l’Europe
D’abord photographe de presse à l’agence Sipa, Stéphane Duroy s’est progressivement éloigné du reportage. Il a ainsi développé un langage unique, créant des liens entre le photojournalisme et une photographie plus narrative. C’est ainsi qu’il s’est attaché à interroger le rapport à l’histoire de l’Europe du XXe siècle, marquée par deux guerres mondiales et leurs conséquences humanitaires et géopolitiques. Au cœur de son travail, la quête obsessionnelle de racines et la reconstitution des différentes identités européennes. Une recherche qui le conduit sur les routes des migrations de certaines populations du continent, jusqu’à le mener aux États-Unis, sur les traces des exilé·es.
Le parcours du photographe peut être résumé en quatre projets majeurs, articulés autour de régions précises : l’Angleterre, Berlin, les pays de l’Est et les États-Unis. « De 1977 à 2002, j’entrepris une vaste enquête photographique sur la société britannique dont les clivages sociaux, très marqués, illustrent la complexité d’une communauté humaine, explique-t-il. Berlin-Ouest dès 1979 s’imposa comme le lien de cause à effet, le lieu où furent décidées les grandes orientations qui ont généré la tragédie européenne et remis en question nos chères valeurs. Enfin, à partir de 1984, les États-Unis, magnifique symbole d’espoir, grand rêve ready-made auquel personne ne croit, ferme le cercle. »
De ce regard désenchanté sur l’Europe naît Unknown, un corpus de monographies, suivi d’Unknown #2 – The Endless Reworking of a Book, qui le mène vers l’art plastique. « Collages, coupures de presse, photographies anonymes, peintures, ratures et déchirures, viennent nourrir et malmener des dizaines d’exemplaires de son livre Unknown, écrit la commissaire Fannie Escoulen. Par ce geste quotidien de destruction et de reconstruction, par l’ajout de couches de matières successives, […] cette tentative d’épuisement du livre et de ses propres images permet à Stéphane Duroy d’aller au-delà de sa photographie, d’en casser les codes et d’explorer de nouveaux territoires d’expression. »