Au cœur des débats actuels, l’intelligence artificielle attire autant qu’elle rebute. Loin de défendre ou de blâmer son utilisation, Fisheye #61, bientôt disponible en kiosque, entend donner des clefs de compréhension. Interroger, éclairer et dialoguer… Telle est la vocation de Trouble, notre dernier numéro.
« La démarche n’est pas polémique, ni même sensationnaliste. En dédiant en grande partie ce numéro de Fisheye à l’intelligence artificielle, nous ne voulons rien prouver, mais davantage comprendre. Il semble assez inutile de vouloir argumenter sur la qualité des images générées par rapport à celles qui sont captées. La différence n’est pratiquement plus visible et ne le sera bientôt plus du tout. Le débat n’est pas technologique, il ne concerne même pas l’utilisation de l’IA. C’est avant tout un débat éthique, philosophique et d’avenir. L’intelligence artificielle sera massivement utilisée pour la génération de photos, de vidéos et d’autres formes d’imagerie réaliste dans les années à venir. Le doute n’existe pas sur ce point. Il est illusoire de penser que ces images seront identifiées par un label. Le même débat était apparu concernant Photoshop. Toutes les images sont désormais retouchées, ou du moins interprétées par un logiciel, et presque aucune n’est signalée comme telle. La réponse ne sera jamais d’interdire, mais davantage de comprendre, d’encadrer et de bien utiliser » introduit Benoit Baume, directeur de la publication chez Fisheye. Si nous avons déjà évoqué la question de l’IA dans des pages des numéros précédents, nous souhaitions avec ce numéro spécial interroger en profondeur cet outil via une pluralité de points de vue et d’approches créatives. C’est dans cette même veine que s’inscrit, au cœur du magazine, le dossier Intelligence artificielle, un nouvel art moyen ? où nous revenons sur les origines de l’IA, son avenir en termes de droits d’auteur, et nous entretenons avec des acteurices de la photo.
Du côté des artistes visuel·les, l’intelligence artificielle est, avant d’être un sujet polémique, un moyen de dépassement artistique. De cette façon, nous avons rassemblé dans le cahier central des auteurices qui utilisent l’IA ou l’étudient. Ainsi, le collectif Interspecifics Lab nous dévoile de nouvelles origines de la vie microbienne. Nouf Aljowaysir dénonce quant à elle l’effacement programmé d’une mémoire ancestrale, lorsque Luca De Jesus Marques part à la recherche de sa propre identité en inventant des filiations. Mishka Henner et Louis-Cyprien Rials inventent des contrées, surréalistes pour l’un, et parfaitement crédibles pour l’autre. Enfin, Brea Souders crée un dialogue intime avec une IA, en interrogeant les frontières du monde numérique et celles du monde physique. Un· à un·e, ces artistes nous prouvent qu’il existe bel et bien « une voie raisonnée et utile quant à l’utilisation de l’IA ». À vous de méditer sur le sujet en feuilletant, ou dévorant les pages de notre dernier opus.