Vincen Beeckman s’invite à Marseille

14 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Vincen Beeckman s’invite à Marseille
© Vincen Beeckman
© Vincen Beeckman

Pendant sept semaines, au fil de plusieurs séjours, Vincen Beeckman a sillonné la ville, non pas comme un touriste ni même un photographe en quête d’exotisme urbain, mais comme un invité, un marcheur curieux, porté d’un canapé à l’autre par la générosité marseillaise. Son livre Marseille, à la fois carnet de bord visuel et roman d’amitiés improvisées, est une ode douce et solaire à la cité phocéenne, à celles et ceux qui l’habitent. 

Quand il arrive pour la première fois à Marseille, Vincen Beeckman ne connaît rien ou presque de la ville. Mais ce photographe belge, plus habitué aux nuances grises de Bruxelles – où il vit – qu’à la lumière crue du Vieux-Port, tombe rapidement sous le charme de la chaleur locale. Cette belle histoire commence par une invitation du ZEF, un théâtre situé dans le nord de Marseille qui lui demande d’investir leur espace d’exposition. Il imagine alors une idée simple en apparence : « que les Marseillais·es me montrent leur ville. » Une première semaine durant, un·e habitant·e l’accueille, lui fait découvrir son quotidien, puis le confie au suivant, comme une sorte de chaîne humaine où chaque maillon est une aventure. Séduit par cette première expérience, il revient à plusieurs reprises, porté cette fois par les ateliers Jeanne Barret qui lui offrent l’opportunité de prolonger cette résidence. Un dentiste de la prison des Baumettes, une joueuse de loto, un bodybuilder, un inventeur d’escape games ou encore un boxeur au grand cœur… Les rencontres se multiplient, mais ne se ressemblent pas, à un détail près : elles enrichissent toutes, sans exception, le projet visuel profondément humain de Vincen Beeckman. « J’utilise la photographie comme un moyen de communication », explique l’artiste. Le médium ne lui permet donc pas de saisir la beauté figée d’un lieu, mais de révéler les personnes qui l’animent. Dans cet ouvrage intitulé sobrement Marseille, il devient témoin de plusieurs bribes de vie et nous emmène au cœur de la ville, à sa manière, aussi décousue que colorée et généreuse. 

© Vincen Beeckman
vue sur des constructions de Marseille
© Vincen Beeckman
Portrait d'un boxeur
© Vincen Beeckman

Lumière crue, cœurs tendres

« Dans mon paysage quotidien, je ne suis pas habitué à la lumière, mais à des teintes très grisées », plaisante Vincen Beeckman. Alors forcément, dans cette ville où même les murs et le sol semblent transpirer la chaleur, son regard s’adapte. Les couleurs explosent. « Dès qu’une couleur surgit, elle m’éblouit », explique-t-il. Il délaisse ainsi le flash et se laisse guider par les reflets, les ombres et la peau cuivrée. Marseille n’a pas de fil narratif classique. L’ouvrage suit le fil d’inconnu·es. Un patchwork sensible et joyeusement chaotique, à l’image de la ville elle-même. Parmi tous ces récits récoltés, l’un d’eux l’a particulièrement marqué. Il s’agit de cette histoire surréaliste du bateau funéraire qui permet de disperser les cendres des défunt·es à proximité du château d’If, au Frioul. « Beaucoup de Chinois·es vont là-bas, car Mao Zedong adorait Le Comte de Monte Cristo. Iels s’identifient à cette histoire et viennent jusqu’ici avec des cendres en l’honneur de ce livre », raconte le photographe. Un bateau pour le peu insolite qui accueille également des enterrements… de vie de jeunes filles et garçons. 

Dans cette cité trop souvent caricaturée, notamment au sujet de ses quartiers nord, Vincen Beeckman a découvert une humanité bouillonnante et une chaleur inégalable. Et c’est bien ça, la force du livre. Un hommage sans folklore ni misérabilisme, un recueil de visages et de voix, comme une conversation entamée sur un banc, qu’on n’a pas envie de terminer. Et si vous ne savez pas par où commencer la visite de Marseille, suivez le conseil de Vincen Beeckman : « Marchez et parlez aux gens. » Tout simplement. 

Devanture d'un snack nommé Tony Snack
© Vincen Beeckman
Portrait d'un chien
© Vincen Beeckman
© Vincen Beeckman
Portrait d'un homme au téléphone portant un bob noir et des lunettes de soleil.
© Vincen Beeckman
une chaise transpercée par un poteau
© Vincen Beeckman
© Vincen Beeckman
À lire aussi
Marseille sous les projecteurs
Marseille sous les projecteurs
L’institut Français du Danemark accueille du 4 mai au 30 juin 2023 l’exposition Marseille In&Out. Pensée par Aurélien Ciller, elle…
06 juin 2023   •  
Écrit par Lucie Guillet
Tortues Ninja, Iggy Pop, et Marseille bb : le portrait chinois de Boby
Tortues Ninja, Iggy Pop, et Marseille bb : le portrait chinois de Boby
« L’esthétisme est un moyen de faire passer un message. Une bonne image doit être belle et drôle. Je ne veux pas signer des images…
11 mai 2021   •  
Écrit par Finley Cutts
Carrefour Bellevue : Marseille à l'iPhone
Carrefour Bellevue : Marseille à l’iPhone
Depuis 2013, Patrice Bellot, photographe et universitaire de 45 ans, immortalise Marseille et ses alentours. Son ouvrage Carrefour…
02 mars 2018   •  
Écrit par Anaïs Viand
Explorez
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
© Giorgia Pastorelli / Instagram
La sélection Instagram #519 : évasion infinie
Liberté. Ce mot résonne avec le clairon de l’été. Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine célèbrent la douceur et le...
12 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
Jill, President Street, Brooklyn, New York, 1968 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix, Paris.
15 expositions photographiques à découvrir en août 2025
L’été est installé, et les vacances enfin arrivées. En parallèle des Rencontres d'Arles et pour occuper les journées chaleureuses ou les...
01 août 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les images de la semaine du 21 juillet 2025 : l’été des voyages et de la culture
© Clara Chichin et Sabatina Leccia / Lucie Pastureau
Les images de la semaine du 21 juillet 2025 : l’été des voyages et de la culture
Cette semaine, dans les pages de Fisheye, expositions et conseils de lectures estivales s’épanouissent. Car, qui dit vacances dit temps...
27 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les Amériques décadrées d'Arthur Vaillant
(Les) Amériques © Arthur Vaillant
Les Amériques décadrées d'Arthur Vaillant
Arthur Vaillant signe son premier livre photo en autoédition. (Les) Amériques dresse un portrait décalé, décadré et audacieux du...
25 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #520 : à fleur de peau
© Neoklis Delegos / Instagram
La sélection Instagram #520 : à fleur de peau
Il est un sens dont on ne peut se passer : le toucher. La peau, point de contact entre soi et l’autre, devient un intermédiaire. Les...
19 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les coups de cœur #555 : Théo Soler et et Stavri Georgiou
Crise d'angoisse © Théo Soler
Les coups de cœur #555 : Théo Soler et et Stavri Georgiou
Théo Soler et Stavri Georgiou, nos coups de cœur de la semaine, composent des récits visuels prenant leurs racines dans le 7e art. Le...
18 août 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 11 août 2025 : contours flous
© Katarina Marković
Les images de la semaine du 11 août 2025 : contours flous
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye font la part belle au flou. Le manipulant de diverses manières, les...
17 août 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Prix pour la photographie du quai Branly : deux regards sur un monde en mutation
© Emmanuelle Andrianjafy
Prix pour la photographie du quai Branly : deux regards sur un monde en mutation
Le prix pour la Photographie du musée du quai Branly – Jacques Chirac 2025 distingue Kurt Tong et Emmanuelle Andrianjafy. Deux démarches...
16 août 2025   •  
Écrit par Costanza Spina