Loin des clichés, Guillaume Landry, photographe professionnel depuis 2005, fait émerger des corps en mouvement, des corps au sport. Avec Winning Africa, shooté au Kenya, au Tchad, au Sénégal et au Maroc, il saisit la force et la fragilité victorieuse de ces nouveaux atlas africains.
Le sport et la photographie peuvent être des drogues dures. Guillaume Landry s’est plongé dans l’un comme dans l’autre avec l’obsessionnel engouement d’un passionné : « depuis quatre, cinq ans, j’ai réalisé la place que le sport prenait dans ma vie, et c’est naturellement que j’ai commencé à faire des portraits de sportif·ves, notamment de boxeur·ses. C’est ce qui a été l’élément déclencheur de ce projet », explique-t-il. En 2018, au cours d’un voyage, il cherche une salle de boxe – sport qu’il pratique lui aussi – à Nairobi au Kenya. Il tombe sur le Pumwani Social Hall. Les murs sont défraichis, mais l’essence du noble art est là : « J’y ai trouvé des athlètes guidé·es par une incroyable passion et le rêve d’une vie meilleure. Des personnes incroyablement érudites et dédiées au sport, malgré les défis économiques et politiques », confie-t-il.
Le corps comme instrument principal
Saisis avec un Mamiya RZ, la sueur, les grains de sable, l’intensité des regards portent. Les clichés disent l’élimé du short, la rugosité du survêt, la chaleur du muscle et la tension du tendon. Mais il ne s’agit pas de décrire une anatomie fantasmée : ici le mouvement domine, l’intention y transparaît. « J’ai la chance de prendre en photo des personnes dont le corps est l’instrument principal. Les boxeurs, les lutteurs ont des corpulences qui imposent déjà, à celui ou celle qui les regarde, une forme de fascination. Suivant l’angle, le mouvement et la lumière les corps m’apparaissent comme une représentation de ce qu’ils sont dans leur pratique, de ce qu’ils représentent », explique l’auteur. Des hommes donc, dans l’apprêté de l’effort, musclés ou non, mais tendus vers le devenir et les métamorphoses qui sont aussi celles du photographe lui-même.
Le sport : un dynamisme à l’image du continent
Car Guillaume Landry, à force de voyages, a changé d’univers. D’abord influencé par la photographie de mode ou de commande avec laquelle il a fait ses armes – « beaucoup de mise en scène, des images drôles ou percutantes, mais très posées avec des lumières artificielles et super esthétiques. J’étais captivé par tous les paramètres que ces photographes mettaient en œuvre pour arriver au résultat d’une photo. Le casting, les lumières, le spot, le stylisme… et avant tout l’idée ! », précise-t-il – il se tourne aujourd’hui vers une approche plus documentaire : « Je suis vraiment passé d’un univers à un autre avec les années. Cela va aussi avec mon état d’esprit », reconnaît-il. Il cite aujourd’hui, pour modèles, Frank, Winogrand, Parks, triade magique des classiques. Entre le noir et blanc de ces figures tutélaires, et la couleur de cette série africaine la distance peut sembler grande, mais le même désir d’authenticité y transparait – la nécessité de raconter le monde tel qu’il va. Guillaume Landry croque ainsi « l’âme et l’intensité des lieux d’entraînement qui transpirent la détermination, loin des projecteurs et des salles de sport clinquantes ». S’y retrouve le dynamisme du continent à la population la plus jeune du monde, mais souvent invisibilisée. Or les corps parlent ici, les droites – gauches disent les victoires à venir, les voix qui se feront entendre : « le sport est, selon moi un langage universel qui transcende les barrières sociales et culturelles, et qui offre une connexion réelle avec les communautés locales », conclut-il.