Marine Lanier présente, avec Nos feux nous appartiennent, un montage d’images réalisées sur une dizaine d’années. Dans chacune d’elle, le feu apparaît, un élément à la fois dangereux et rassurant. Un récit prenant où homme comme nature deviennent sauvages.
Originaire de Valence, Marine Lanier a grandi à la campagne, en observant le monde avec attention. « Je pouvais regarder pendant des heures des variations de lumières sur un mur, une auréole sur le plafond, un lichen. J’y voyais une carte, une île, une forêt… » se souvient-elle. Naturellement, elle se tourne vers la photographie pour sublimer ce que l’on ne voit pas. « J’entretiens un rapport à la cécité qui oscille entre l’ombre et l’éblouissement », précise l’artiste. « Mon désir d’être photographe s’enracine dans cette question-là ». Ses clichés, tantôt réfléchis, tantôt spontanés, l’aident à poser un regard sur son environnement. Un œil libre et instinctif, enrichi par l’usage de la chambre photographique.
Nos feux nous appartiennent se construit comme un panorama des créations de Marine. Un concentré de dix années de travail. « En regardant mes images, j’ai noté la présence du feu, de manière directe ou indirecte », explique-t-elle. L’élément domine les images, et joue un rôle à la fois complexe et ambigu. « C’est un élément catalyseur à forte charge symbolique, vu ici comme une figure de ralliement », précise la photographe. Qu’il flambe, crépite, ou disparaisse en laissant des traces de suie, le feu des clichés construit un univers sauvage, où hommes et nature cohabitent avec prudence.
Appartenir au clan
« Je viens d’une famille de jardiniers, paysagistes, pépiniéristes, horticulteurs, fleuristes… Les hommes de ce clan organisent l’espace depuis cinq générations, cherchent à le maintenir, à le discipliner »
, raconte Marine. Nos feux nous appartiennent dresse le portrait d’un environnement brut, régi par les éléments. Si le feu se devine dans les déserts calcinés ou les serres brûlées, il s’enflamme aussi dans les regards des hommes photographiés par l’artiste. « Les éléments sont un prolongement de nous-mêmes, une projection de notre profondeur », explique la photographe. Ses modèles appartiennent à la nature. Imposants et masculins, ils évoquent la force implacable de leur environnement. Marine recherche le primitif dans les visages. Attentive, elle observe ces hommes et capture leur interaction – à la fois sensible et animal – avec le monde. Inspirés par son enfance passée « au milieu du vent, des arbres, des cabanes, des feux de mon père », les clichés de la photographe forment un portrait familial atypique, bercé par les cris des animaux, où les corps des hommes et la chaleur des flammes se rencontrent et fusionnent.
© Marine Lanier
Nos feux nous appartiennent, édition Poursuite, 28€, 80 p.