Haïkus et autres rhétoriques photographiques

10 février 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Haïkus et autres rhétoriques photographiques

La photographe française Lou-Anna Ralite construit des diptyques pensés comme des Haïku. Ses assemblages humoristiques invitent le regardeur à s’évader, tout en méditant sur les conséquences de ses actions.

Introspectives, les photographies de Lou-Anna Ralite éveillent les sens. Souvent abstraites et minimalistes, elles donnent à voir les matières, les détails de notre environnement, comme de brefs poèmes chargés d’émotion. « Le Haïku capture l’instant présent dans sa singularité et sa dimension éphémère. Il saisit la quintessence de l’ordinaire afin d’en faire émerger la part poétique. Cela rejoint complètement l’état d’esprit de ma démarche artistique », confie l’auteure, née en 1994. Privilégiant des mises en scène intimistes – les sujets de ses images sont toujours ses proches et non des modèles – la photographe donne à ses projets une dimension ludique. En jouant avec les évocations, les sensations, ou le médium en lui-même, elle construit un univers paisible, baigné par une lumière douce et coloré par des tons pastel. Un monde évoquant la douce chaleur du printemps. « L’image est également une manière pour moi de m’amuser avec les figures de style, poursuit-elle. La mise en abyme, la métaphore, la comparaison, la métonymie… Cela me permet de réinventer mes clichés, d’en révéler des détails cachés et de créer de nouveaux mystères. »

© Lou-Anna Ralite© Lou-Anna Ralite

Des bulles d’évasion

Car Lou-Anna Ralite aime recomposer des diptyques à partir de photographies pensées comme des créations uniques. En faisant dialoguer ses images, des nouveaux sens, des concepts inédits émergent, et transcendent les œuvres. « Je confronte souvent une figure humaine ou animale à un lieu, un objet ou un élément naturel. Mes personnages, pensifs, le regard absent, associés à la puissance des éléments nous renseignent sur la portée existentielle de leurs questionnements », explique-t-elle. Parmi ces compositions, la « femme à l’escargot et le lampadaire diplodocus », soulignant la portée écologique de sa série. « La grimace de la modèle semble devenir une moquerie qui viserait l’image voisine. Elle dépeint l’espèce humaine qui se joue de la première extinction massive que la Terre ait connue. L’escargot qui rampe lentement sur son buste, au même titre que le lierre prolifère sur le lampadaire, laisse entrevoir le renversement qui s’opère, la nature qui reprend ses droits », explique l’artiste.

Un autre assemblage, celui d’un cygne et d’un sol craquelé, explore une autre figure de rhétorique – l’homophonie : « l’animal est l’un des premiers “cygnes” annonciateurs du réchauffement climatique », s’amuse l’artiste. À sa droite, les traces sur le goudron suggèrent la présence passée de l’eau, métaphore de sa prochaine raréfaction. Dans un climat anxiogène, où la liberté est rongée par la crise sanitaire, les diptyques de Lou-Anna Ralite se lisent finalement comme des bulles d’évasion, explorant, avec humour et poésie, les incohérences de notre monde. Un travail engagé, usant de plaisanterie pour placer l’humain face à ses propres contradictions.

© Lou-Anna Ralite© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite

 

© Lou-Anna Ralite© Lou-Anna Ralite

© Lou-Anna Ralite

Explorez
Que reste-t-il après le feu ? : des images, des voix, des actifs
Tour immersive en forêt © Alexandre Dupeyron
Que reste-t-il après le feu ? : des images, des voix, des actifs
À l’écomusée de Marquèze, jusqu’au 28 septembre 2025, l’exposition 600° – La forêt après le feu du collectif LesAssociés, pose une...
19 juin 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Hendrik Paul : un besoin de nuit
© Hendrik Paul, Dark Light
Hendrik Paul : un besoin de nuit
Avec Dark Light, Hendrik Paul signe un livre de photographie argentique en noir et blanc, publié chez Datz Press, qui explore la nuit, le...
17 juin 2025   •  
Écrit par Milena III
Hommage à Sebastião Salgado, humaniste soucieux de la nature
© Fisheye Magazine
Hommage à Sebastião Salgado, humaniste soucieux de la nature
Sebastião Salgado est décédé ce vendredi 23 mai 2025 à l’âge de 81 ans. Tout au long de sa carrière, le photographe a posé un regard...
26 mai 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
© Aletheia Casey
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil d’Aletheia Casey, dont nous vous avons déjà parlé il y a quelques mois. Pour Fisheye, elle...
28 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La FUJIKINA Arles, quand l'art rencontre la technique
© Gregory Halpern / Magnum Photo
La FUJIKINA Arles, quand l’art rencontre la technique
Du 8 au 12 juillet 2025, la FUJIKINA, manifestation mondiale autour de la culture photographique créée par Fujifilm, revient pour une 2e...
24 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
© Aniela Kurkiewicz / Instagram
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
« Il n’y pas d’amour censure, il n’y a que d’l’amour sincère », chante Hoshi. Peut-être ces paroles rythmeront-elles la marche des...
24 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974 © Marie-Laure de Decker
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Jusqu’au 28 septembre 2025, l’œuvre de Marie-Laure de Decker s’expose à la Maison européenne de la photographie. Au fil de sa carrière...
23 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #548 : Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher
Diversum © Konrad Hellfeuer
Les coups de cœur #548 : Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher
Konrad Hellfeuer et Lucie Boucher, nos coups de cœur de la semaine, invitent à ralentir, observer et contempler. Interrogeant les thèmes...
23 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot