Après les fleurs, c’est l’histoire d’un paysage volcanique poétiquement fertile. Avec cette série, Nicolas Hrycaj nous transporte au cœur d’éruptions de douceurs, tant sur le traitement coloré de ses œuvres que sur le message qu’elles nous transmettent.
C’est revenu d’un voyage en solitaire sur les sols volcaniques de l’île de Stromboli – l’une des îles Éoliennes au large de la Sicile – que Nicolas Hrycaj a réuni ses clichés pour composer une série empreinte de poésie intitulée Après les fleurs. Photographe et chef opérateur tourné à l’origine vers le portrait ou la photographie de mode, l’artiste perçoit dans le médium une manière de figer des épiphanies de beauté, pour ensuite les offrir à celleux qui souhaitent les voir. Avec ce projet plastique, Nicolas Hrycaj a souhaité graver des souvenirs d’un périple en terres de feu, à l’abri de l’animation des capitales siciliennes. « Là-bas, les plages de sable sont noires et faites de pierres volcaniques. Toutes les maisons sont regroupées sur un petit coin de l’île. Il y a beaucoup de chats, pas de voitures, juste des triporteurs et quelques rues suffisamment larges pour eux. Le soir, il n’y a pas d’éclairage public, seulement la lumière de la lune et des lampes de poche. Le volcan, surnommé Iddu – soit “lui” – surplombe l’île. Il est constamment entouré au sommet d’un panache de fumée qui s’éclaire en rouge la nuit. Les éruptions sont constantes, petites, mais régulières. Les habitants ont une relation particulière avec lui. Il est complètement imprévisible, et influe le quotidien de l’île. Lorsque je m’y suis rendu, le village venait d’être traversé et abîmé par des coulées de boue. »
Tombé littéralement sous le charme de ce géant de lave, le photographe a alors commencé à cataloguer les fluctuations des paysages, regroupant les différents moments d’une journée ou d’une irruption soudaine. Des ciels ardents aux brouillards de fumées suffocantes, en passant par les soleils couchants et l’accalmie de leurs levers… Peu à peu, Nicolas Hrycaj apprivoise l’île, ou se laisse porter par son instabilité naturelle. « Le Stromboli m’a tellement touché. Le voir tomber ainsi dans la mer, c’est d’une beauté qui vous met les larmes aux yeux. Je ne me lassais pas de tous ces paysages qui cassaient l’horizon, calmes, pleins de sérénité. J’avais aussi la sensation d’une menace confuse, d’un danger jamais totalement écarté », écrit-il. Dans ce chaos maitrisé, les élans violents de la nature réveillent des peurs enfouies de fin du monde. Pour autant, réside au cœur de tout cela une végétation faite de douceur infinie.
Une série de portraits de fleurs trouvées sur une île volcanique.
Ici, c’est tous les jours le dernier soir du monde.
L’île plonge dans le vide, ses bords disparaissent en mer.
La nuit devient incandescente.
La montagne respire des étincelles et crache ses vapeurs.
Le vent la coiffe en grandes bourrasques.
Et la terre finit toujours par s’essouffler.
Une symphonie éternelle
Bougainvilliers, bignones, genêts, romarin, rose… Défilent des fleurs et des plantes qui poussent de manière autonome ou sont cultivées sur l’île, malgré un climat peu clément. Floutées et présentées de façon systématique en diptyque face à un paysage ardent, elles deviennent les actrices timides mais farouchement vivantes de la série. Elle se lisent alors dans leur absence ou leurs présence difficilement identifiable. À pas de loup, on découvre tout se qui compose l’île : ses sentiers escarpés, ses champs sauvages et ses pleines arides. « Je trouvais ça intéressant que finalement le regard se fixe non pas sur l’arrière-plan apocalyptique, net et lisible, mais sur la fleur floue au premier plan, qui laissait plus une impression diffuse, par une touche de couleur ou une forme particulière, pas vraiment discernable, plus picturale, confie l’artiste, avant de reprendre, Le côté éphémère était aussi important, que ce soit pour une fleur qui ne vit que quelques jours ou pour un coucher de soleil qui se transforme à vue d’œil. De la même manière, j’étais limité dans mon processus créatif par les saisons et encore plus en hiver, où le jour se transforme toujours plus vite en nuit. Chaque soir je guettais le moment où la luminosité et les teintes du ciel allaient me permettre de faire mes photos.»
Telle une incantation pour l’éternel renouvellement du vivant, Après les fleurs de Nicolas Hrycaj suggère un espoir dans la crise, une résilience rassurante. Car, s’il y a le crépuscule pour rappeler l’aube, il y aura toujours le début d’autre chose pour dépasser la fin. « Après les fleurs, viendra la nuit. Après la nuit, reviendront les fleurs. »
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© Nicolas Hrycaj