Vladimir Janic : sombre psychanalyse et chaos contrôlé

25 janvier 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Vladimir Janic : sombre psychanalyse et chaos contrôlé

Fasciné par le cinéma et la psychologie, le jeune artiste serbe Vladimir Janic compose, en noir et blanc, un récit troublant où tout est question de contrôle – et de l’abandon de ce dernier.

Photographie, peinture, vidéo… Originaire de Serbie et fraîchement diplômé de l’Académie d’arts Novi Sad, Vladimir Janic multiplie les médiums pour s’exprimer et construire un univers sombre aux remous tumultueux. Un espace où les corps se disloquent, les visages se déforment et la brume enveloppe la certitude, comme une invitation à convoquer l’imaginaire pour recomposer l’image dans sa totalité. C’est d’ailleurs le caractère incertain du médium photographique qui charme d’abord l’auteur de 24 ans. « J’ai toujours été attiré par les clichés qui cachent quelque chose. Cela vient peut-être de mon amour pour le cinéma. Lorsque j’avais douze et treize ans, il m’arrivait souvent de regarder deux à trois films par jour ! Le 7e art était mon troisième parent », confie-t-il.

Un goût pour la dramaturgie qui nourrit sa création, tout comme ses relations familiales. « Ma mère est psychologue, et nous passons notre temps à tout analyser. La communication est très importante, au sein de mon foyer. Je crois que j’ai en moi un désir fort de comprendre ce qui anime les gens, mais aussi comment ils réagissent », poursuit-il. Alors, pour poursuivre cette quête, Vladimir Janic cherche la réaction, l’instinct, le viscéral. En peinture et en image, il déconstruit l’habituel et laisse voguer sa curiosité naturelle. Comme pour provoquer – un trait qu’on lui prête volontiers – ou même tenter les regardeur·ses, et révéler la part d’ombre dissimulée en chacun·e de nous.

© Vladimir Janic© Vladimir Janic

Plonger dans sa propre psyché

Formes abstraites, foules ectoplasmiques, ombres anonymes, clairs-obscurs théâtraux… On retrouve, dans l’œuvre de Vladimir Janic un lien fascinant entre l’ordre et le chaos, la minutie et la folie. « Tout est question de contrôle. Celui du photographe est éprouvé à travers la construction visuelle d’une image. Mais la dimension incertaine d’un cliché permet à celui ou celle qui le regarde d’avoir un certain contrôle sur celui-ci en projetant son propre matériel personnel et en le rendant familier », explique l’artiste. Une bataille de force, entre le créateur et son public, qui se transforme même en combat intérieur lorsqu’il se tourne vers la peinture : « Je passe par ce que les psychanalystes appellent le conflit du ça et du surmoi, de l’expression la plus primaire et de la main qui dirige et organise. Il s’agit alors de parvenir à trouver le juste équilibre », explique-t-il. Un travail d’équilibriste qu’il entreprend avec passion, s’inspirant notamment des toiles de Francis Bacon, échos de sa propre dichotomie.

Presque labyrinthique, le travail de l’auteur se lit alors comme un périple dans les méandres de l’esprit, un appel à se libérer, à concevoir pour mieux comprendre. Mouvement et rigidité, objets froids et corps sensuels, occurrences obsédantes, segments suggestifs, sexualité lancinante… Au fil des images, des bribes de récits émergent, comme des invitations à plonger dans sa propre psyché. Comme une plongée dans un film noir à l’intrigue palpitante et à la photographie hypnotique. Privées de couleurs, les visions de Vladimir Janic nous enferment dans une narration dramatique et atemporelle dont il est difficile de sortir. Peut-être, alors, faut-il faire face à nos propres contradictions pour élucider le mystère et voguer en sérénité…

© Vladimir Janic© Vladimir Janic

 

© Vladimir Janic© Vladimir Janic

 

© Vladimir Janic© Vladimir Janic

 

© Vladimir Janic© Vladimir Janic

 

© Vladimir Janic© Vladimir Janic

© Vladimir Janic

Explorez
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
© Kristina Rozhkova
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
© Christopher Barraja
Instax mini 99 : les couleurs instantanées d’Aliocha Boi et Christopher Barraja 
La photographie analogique ne cesse de séduire un large public. Pour Fujifilm, Aliocha Boi et Christopher Barraja s’emparent de l’Instax...
26 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Flashs et paysages : les mondes mystiques d'lnka&Niclas
Family Portrait © Inka&Niclas
Flashs et paysages : les mondes mystiques d'lnka&Niclas
Des vagues et des palmiers rose-orangé, des silhouettes incandescentes, des flashs de lumières surnaturels dans des paysages grandioses....
24 avril 2024   •  
Écrit par Agathe Kalfas
Concours #RATPxFisheye : lumière sur les médaillé·es
© Jeanne Pieprzownik
Concours #RATPxFisheye : lumière sur les médaillé·es
Le 3 avril 2024, le jury du concours #RATPxFisheye a désigné ses trois lauréat·es. Guillaume Blot, Jeanne Pieprzownik et Guillaume...
23 avril 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
© Kristina Rozhkova
Ultra-violence, bodybuilding et livre d’artiste : nos coups de cœur photo du mois
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Lou Tsatsas
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
© Mustapha Azeroual / BMW ART MAKERS
BMW ART MAKERS : les dégradés célestes de Mustapha Azeroual et Marjolaine Lévy
Le programme BMW ART MAKERS, initiative de soutien à la création, accueille cette année le duo d’artiste/curatrice composé par Mustapha...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Milena Ill
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
© Aleksander Varadian Johnsen / Instagram
La sélection Instagram #452 : la danse sous toutes ses formes
Cette semaine, les photographes de notre sélection Instagram capturent les corps – et même les éléments – qui dansent à en perdre...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
En plus de la douleur et des saignements, ces “spirales“ sont également à l’origine de graves infections qui ont rendu leurs victimes définitivement stériles. © Juliette Pavy
3 questions à Juliette Pavy, photographe de l’année SWPA 2024
À travers son projet sur la campagne de stérilisation forcée au Groenland entre 1966 et 1975, la photographe française Juliette...
29 avril 2024   •  
Écrit par Cassandre Thomas