Dans un jeu d’ombre et de lumière poétique, Delfina Carmona capture les subtiles nuances de notre monde. Une introspection colorée où se croisent autoportraits et explorations oniriques. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Les objets qu’elle perçoit, les personnes qui l’entourent ou encore les endroits qu’elle traverse sont autant de moments ordinaires que d’éléments qui inspirent Delfina Carmona. Il faut dire que, au gré de ses pérégrinations visuelles, la photographe argentine cultive une certaine poésie du quotidien. Bercée par les moindres nuances de l’existence, elle capture toutes les mises en scène qui éveillent son processus créatif. « Ce sont de petites expériences optiques dans lesquelles, par exemple, un simple verre éclairé par les rayons du soleil peut se transformer en quelque chose de complètement différent », déclare-t-elle amusée. La lumière et ses jeux d’ombre cristallisent cette célébration d’un instant volatil au charme discret. « Les deux sont tellement complémentaires… Il faut garder à l’esprit que la couleur suscite forcément une émotion chez celui ou celle qui l’observe. Selon les époques et les sociétés, ses significations varieront, mais celle-ci aura toujours un sens bien précis. S’approprier l’éclairage est donc d’autant plus important qu’il entraîne la création de nouvelles tonalités. Ces dernières génèrent à leur tour d’autres façons d’appréhender un coloris et, par extension, une œuvre. C’est un schéma, presque magique, qui se répète inlassablement », explique-t-elle.
Mais la clarté de ses clichés s’exprime également d’un point de vue formel. Inspirée par les écoles de design modernes – qui prônent des compositions simples, dépouillées de toutes fioritures –, le minimalisme dont elle fait preuve se teinte d’un onirisme surréaliste. Car si l’artiste se plaît à dispenser de multiples récits, elle se laisse tout autant porter par l’absurdité d’une scène qu’elle entrevoit. Elle donne alors la liberté à tout un chacun de livrer sa propre interprétation de ses histoires floues. Aussi les autoportraits qui ponctuent sa galerie, en invitant celles et ceux qui les regardent à s’y confondre, s’inscrivent-ils dans cette démarche. À cet effet, lorsque Delfina Carmona n’immortalise pas son ombre, elle dissimule son visage et s’efface en partie pour laisser les autres s’y projeter. Un soupçon de mystère découle ainsi de ce langage intime. Celui-ci s’impose d’ailleurs comme une véritable ode à la féminité, une thématique dont elle souhaite poursuivre l’exploration. « Mon écriture photographique est profondément liée à cela. Elle correspond même à la manière dont je conçois ma propre féminité. Mon travail est comparable à une trace que je laisse dans le sillage du temps et témoigne de mon évolution personnelle ou professionnelle. Il y a également une intention latente, ou peut-être inconsciente, d’asseoir ma position de femme à la fois muse et artiste dans mes images », conclut-elle. Une jolie façon d’incarner de manière plus politique un quotidien devenu poétique.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #51, disponible ici.
© Delfina Carmona