Avec son travail Nothing half, nothing whole, la photographe angolaise-allemande, Verdiana Albano entreprend une recherche de soi et s’aventure au plus profond de ses origines multiculturelles. L’échange culturel constitue pour l’artiste le fondement des identités et des relations avec le monde. À la poursuite de plus de dialogue, elle fonde l’Institute Contemporary – For Afro-European Art Affairs pour réunir les artistes Afro-Européen·nes et mettre en lumière leur travail. Ce réseau présente, pour la première fois, l’exposition On the vastness of our identity, aux Rencontres d’Arles 2024, dont les contours s’articulent autour des identités plurielles. Entre territoires géographiques, structures post-coloniales, stéréotypes et perspectives, les images de Verdiana Albano dialoguent avec celles de quarte autres artistes Afro-Européen·nes, dans une installation intimiste et réfléchie par l’artiste elle-même.
Fisheye : Comment traduis-tu ta quête d’identité en tant que femme Afro-Européenne en image ?
Verdiana Albano : Je suis née et j’ai grandi en Allemagne, mais mes origines suscitent sans cesse des questions. Des questions auxquelles je peux rarement répondre, car j’ai peu de lien avec la famille de mon père qui est en Angola. Je peux cependant parler de ce que cela fait de vivre sous un toit où les cultures se mélangent. Je suis partie d’une approche documentaire, j’ai voyagé à travers de nombreux pays, car j’avais besoin de comprendre certaines choses vis-à-vis de qui j’étais. Durant ce voyage, je me suis arrêtée sur une île entre les continents africain et européen. C’était entre 2020 et 2021. Ici, l’inspiration m’a frappé, je voulais raconter ma propre histoire, découvrir comment la nature se comportait lorsque l’Afrique et l’Europe s’assemblaient en un lieu unique. L’île s’y portrait à merveille. Au sud, se déployait le désert aride, et au nord, la montagne jaillissait de la terre, verdoyante. Je me suis immergée dans la nature, cherchant à fusionner avec elle, à effacer les frontières physiques qui existent entre mon corps et le paysage, mais aussi les frontières fictives qui existent entre mes cultures allemandes et angolaises. Sur cette île, j’ai pu faire une rencontre entre mes deux identités. C’est ainsi que Nothing half, nothing whole est né. Ce projet artistique représente la traduction de ma recherche d’identité, un récit intime de mon parcours.
Avec ce travail, penses-tu avoir trouvé ta place, ton identité ?
Je n’ai pas encore trouvé de point d’aboutissement. Tenter de faire fusionner la nature avec mon corps dans un lieu qui me représente, à cheval entre l’Afrique et l’Europe, constituait une première étape, mais ne suffisait pas. C’est pourquoi j’ai créé le réseau Institute Contemporary. J’avais besoin de partager mes réflexions et d’échanger avec d’autres personnes qui se sentent traversées par les mêmes questionnements sur les identités multiculturelles. Nothing half, nothing whole est la première pierre à l’édifice. C’est d’ailleurs pourquoi ce projet fait partie de l’exposition On the vastness of our identity qui est la première exposition du réseau. Avec quatre autres artistes exposé·es, nous entremêlons nos expériences et racontons une histoire. Non pas celle où nous trouvons une identité unique et définitive, mais plutôt l’histoire des liens issus de cultures différentes qui nous tissent.
Voiles, jeux d’échelle, accrochage en trois dimensions… Comment as-tu pensé la scénographie de cette exposition, présentée à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz ?
L’élaboration de l’exposition était un processus ardu, qui s’est accéléré lorsque j’ai reçu la bourse d’Allianz. Guidée par la thématique centrale de l’identité, je me suis lancée à la recherche d’artistes Afro-Européen·nes partageant cette vision. J’ai exploré les plateformes artistiques et sollicité mon réseau pour identifier des talents sensibles à la question. Après des entretiens approfondis avec dix artistes, j’ai sélectionné quatre d’entre elles·eux pour exposer aux côtés de mon propre travail.
Puis des échanges mensuels ont rythmé la construction de l’exposition. Nous avons travaillé à partir d’un modèle 3D du lieu, au deuxième étage de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, pour peaufiner l’allure que prendrait On the vastness of our identity. À la poursuite d’une représentation symbolique de l’identité et de son étendue (vastness), nous avons opté pour une division de l’espace en deux parties distinctes. D’un côté, l’œuvre de Delali Ayivi crée une atmosphère intimiste, évoquant un salon accueillant. De l’autre, une photographie grandiose d’Ange-Frédéric Koffi, capturée lors d’un de ses voyages, domine l’espace. Ce choix de composition met en lumière la dualité de l’identité et l’immensité des questionnements qu’elle soulève.
Aucun cartel n’accompagne les œuvres. C’était une décision commune. L’Afrique et l’Europe sont deux continents parsemés de tant de pays. Nous voulions montrer que malgré nos origines diverses, nous étions étroitement lié·es par nos réflexions et nos questionnements. L’objectif était de faire faire tomber les frontières, ou du moins qu’elles soient floues.