3 questions à Verdiana Albano : dessiner les identités afro-européennes

06 juillet 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
3 questions à Verdiana Albano : dessiner les identités afro-européennes
Nothing half, nothing whole © Verdiana Albano, Institute Contemporary.
Neither fish nor meat © Verdiana Albano, Institute Contemporary.

Avec son travail Nothing half, nothing whole, la photographe angolaise-allemande, Verdiana Albano entreprend une recherche de soi et s’aventure au plus profond de ses origines multiculturelles. L’échange culturel constitue pour l’artiste le fondement des identités et des relations avec le monde. À la poursuite de plus de dialogue, elle fonde l’Institute Contemporary – For Afro-European Art Affairs pour réunir les artistes Afro-Européen·nes et mettre en lumière leur travail. Ce réseau présente, pour la première fois, l’exposition On the vastness of our identity, aux Rencontres d’Arles 2024, dont les contours s’articulent autour des identités plurielles. Entre territoires géographiques, structures post-coloniales, stéréotypes et perspectives, les images de Verdiana Albano dialoguent avec celles de quarte autres artistes Afro-Européen·nes, dans une installation intimiste et réfléchie par l’artiste elle-même.

Fisheye : Comment traduis-tu ta quête d’identité en tant que femme Afro-Européenne en image ?

Verdiana Albano : Je suis née et j’ai grandi en Allemagne, mais mes origines suscitent sans cesse des questions. Des questions auxquelles je peux rarement répondre, car j’ai peu de lien avec la famille de mon père qui est en Angola. Je peux cependant parler de ce que cela fait de vivre sous un toit où les cultures se mélangent. Je suis partie d’une approche documentaire, j’ai voyagé à travers de nombreux pays, car j’avais besoin de comprendre certaines choses vis-à-vis de qui j’étais. Durant ce voyage, je me suis arrêtée sur une île entre les continents africain et européen. C’était entre 2020 et 2021. Ici, l’inspiration m’a frappé, je voulais raconter ma propre histoire, découvrir comment la nature se comportait lorsque l’Afrique et l’Europe s’assemblaient en un lieu unique. L’île s’y portrait à merveille. Au sud, se déployait le désert aride, et au nord, la montagne jaillissait de la terre, verdoyante. Je me suis immergée dans la nature, cherchant à fusionner avec elle, à effacer les frontières physiques qui existent entre mon corps et le paysage, mais aussi les frontières fictives qui existent entre mes cultures allemandes et angolaises. Sur cette île, j’ai pu faire une rencontre entre mes deux identités. C’est ainsi que Nothing half, nothing whole est né. Ce projet artistique représente la traduction de ma recherche d’identité, un récit intime de mon parcours.

Une femme allongée sur le ventre sur un rocher. De la série Nothing half, nothing whole de Verdiana Albano.
Nothing half, nothing whole © Verdiana Albano, Institute Contemporary.

Nothing half, nothing whole © Verdiana Albano, Institute Contemporary.
Une femme allongée dans le sable. De la série Nothing half, nothing whole de Verdiana Albano.
Nothing half, nothing whole © Verdiana Albano, Institute Contemporary.

Avec ce travail, penses-tu avoir trouvé ta place, ton identité ?

Je n’ai pas encore trouvé de point d’aboutissement. Tenter de faire fusionner la nature avec mon corps dans un lieu qui me représente, à cheval entre l’Afrique et l’Europe, constituait une première étape, mais ne suffisait pas. C’est pourquoi j’ai créé le réseau Institute Contemporary. J’avais besoin de partager mes réflexions et d’échanger avec d’autres personnes qui se sentent traversées par les mêmes questionnements sur les identités multiculturelles. Nothing half, nothing whole est la première pierre à l’édifice. C’est d’ailleurs pourquoi ce projet fait partie de l’exposition On the vastness of our identity qui est la première exposition du réseau. Avec quatre autres artistes exposé·es, nous entremêlons nos expériences et racontons une histoire. Non pas celle où nous trouvons une identité unique et définitive, mais plutôt l’histoire des liens issus de cultures différentes qui nous tissent.

Voiles, jeux d’échelle, accrochage en trois dimensions… Comment as-tu pensé la scénographie de cette exposition, présentée à la Fondation Manuel Rivera-Ortiz ?

L’élaboration de l’exposition était un processus ardu, qui s’est accéléré lorsque j’ai reçu la bourse d’Allianz. Guidée par la thématique centrale de l’identité, je me suis lancée à la recherche d’artistes Afro-Européen·nes partageant cette vision. J’ai exploré les plateformes artistiques et sollicité mon réseau pour identifier des talents sensibles à la question. Après des entretiens approfondis avec dix artistes, j’ai sélectionné quatre d’entre elles·eux pour exposer aux côtés de mon propre travail. 

Puis des échanges mensuels ont rythmé la construction de l’exposition. Nous avons travaillé à partir d’un modèle 3D du lieu, au deuxième étage de la Fondation Manuel Rivera-Ortiz, pour peaufiner l’allure que prendrait On the vastness of our identity. À la poursuite d’une représentation symbolique de l’identité et de son étendue (vastness), nous avons opté pour une division de l’espace en deux parties distinctes. D’un côté, l’œuvre de Delali Ayivi crée une atmosphère intimiste, évoquant un salon accueillant. De l’autre, une photographie grandiose d’Ange-Frédéric Koffi, capturée lors d’un de ses voyages, domine l’espace. Ce choix de composition met en lumière la dualité de l’identité et l’immensité des questionnements qu’elle soulève.

Aucun cartel n’accompagne les œuvres. C’était une décision commune. L’Afrique et l’Europe sont deux continents parsemés de tant de pays. Nous voulions montrer que malgré nos origines diverses, nous étions étroitement lié·es par nos réflexions et nos questionnements. L’objectif était de faire faire tomber les frontières, ou du moins qu’elles soient floues.

Une femme sous l'eau. De la série Nothing half, nothing whole de Verdiana Albano.
Nothing half, nothing whole © Verdiana Albano, Institute Contemporary.
Neither fish nor meat © Verdiana Albano, Institute Contemporary.
Nothing half, nothing whole © Verdiana Albano, Institute Contemporary.
À lire aussi
Aux Rencontres d’Arles, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz nous invite à croire
© Philippine Schaefer, Grounded, tirage argentique couleur, 2017
Aux Rencontres d’Arles, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz nous invite à croire
Jusqu’au 29 septembre 2024, dans le cadre des Rencontres d’Arles, la Fondation Manuel Rivera-Ortiz présente Croyances et existence, une…
03 juillet 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Archevêché by Fisheye : une programmation à ne manquer sous aucun prétexte !
© Gioia Cheung
Archevêché by Fisheye : une programmation à ne manquer sous aucun prétexte !
Du 1er au 6 juillet, Fisheye investit la cour de l’Archevêché, ce lieu emblématique des Rencontres, en plein centre d’Arles. Au programme…
18 juin 2024   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Explorez
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Bendy, 2019. Pinault Collection. © Deana Lawson / courtesy de l’artiste et de David Kordansky Gallery
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Les expositions photographiques se comptent par dizaines, en France comme à l’étranger. Les artistes présentent autant d’écritures que de...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Photo London 2025 : héritage photographique et nouveaux récits
© Sebastiao Salgado
Photo London 2025 : héritage photographique et nouveaux récits
Photo London 2025 célèbre sa dixième édition du 15 au 18 mai à Somerset House, avec un programme anniversaire mettant à l’honneur la...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
L'exposition Benzine Cyprine victime de vandalisme
Le compromis, de la série Benzine Cyprine © Kamille Lévêque Jégo
L’exposition Benzine Cyprine victime de vandalisme
Les expositions présentant le travail de femmes photographes et traitant de sujets liés au féminisme et à l’égalité des genres sont...
12 mai 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Dans l'œil de Marivan Martins : portrait de la surconsommation
Black Friday © Marivan Martins
Dans l’œil de Marivan Martins : portrait de la surconsommation
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Marivan Martins, photographe brésilien, installé à Paris, dont le livre autoédité Black Friday est...
12 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Bendy, 2019. Pinault Collection. © Deana Lawson / courtesy de l’artiste et de David Kordansky Gallery
Les expositions photo à ne pas manquer en 2025
Les expositions photographiques se comptent par dizaines, en France comme à l’étranger. Les artistes présentent autant d’écritures que de...
Il y a 5 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Photo London 2025 : héritage photographique et nouveaux récits
© Sebastiao Salgado
Photo London 2025 : héritage photographique et nouveaux récits
Photo London 2025 célèbre sa dixième édition du 15 au 18 mai à Somerset House, avec un programme anniversaire mettant à l’honneur la...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Festival de Cannes : 22 séries photo qui mettent le cinéma à l’honneur
Un calendrier situé à l'extérieur du bureau du lieutenant indique le nombre de jours écoulés depuis le dernier meurtre © Theo Wenner
Festival de Cannes : 22 séries photo qui mettent le cinéma à l’honneur
À l’occasion de la 78e édition du Festival de Cannes, qui commence ce mardi 13 mai, la rédaction de Fisheye met le cinéma à...
13 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #506 : avec la légèreté d'une plume
© Oana Stoian / Instagram
La sélection Instagram #506 : avec la légèreté d’une plume
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine saisissent un instant, un moment suspendu dans l’air, une respiration, une...
13 mai 2025   •  
Écrit par Marie Baranger