An Old Tale : Siouzie Albiach saisit une nature personnifiée

07 décembre 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
An Old Tale : Siouzie Albiach saisit une nature personnifiée
© Siouzie Albiach
© Siouzie Albiach
© Siouzie Albiach

À travers An Old Tale, Siouzie Albiach nous emporte dans un voyage mystique au cœur de territoires intimes. Un périple nourri par divers mythes et croyances et dominé par une protagoniste inattendue : la nature. Une œuvre contemplative à découvrir, jusqu’au 23 décembre 2023, à la galerie parisienne Chapelle XIV.

Il y a des échos étranges, comme des bribes d’un ancien temps, d’un récit cent fois répété, transformé de bouche en bouche jusqu’à gagner le présent, dans les photographies de Siouzie Albiach. Une sensation d’immobilité qui pourtant transporte et incite au voyage. Diplômée de l’ENSP d’Arles depuis 2020, l’artiste développe une œuvre intimiste, où se croisent une nature mystique et un goût prononcé pour les légendes et les croyances. Au Japon, en Écosse, au fil de chaque périple, elle pose un regard sensible sur son environnement, nourri par les univers délicats de Rinko Kawauchi, Lieko Shiga, Daisuke Yokota comme le goût pour la mise en scène de Gregory Crewdson ou encore Rineke Dijkstra. « Mon intérêt pour l’image m’est venu par le biais du 7e art. Cet attrait marque aujourd’hui encore mes images : la temporalité et la narration sont centrales dans mon travail, et j’aime attribuer à mes séries un caractère cinématographique », confie l’autrice.

Une couette froissée sur un lit blanc, une main qui frotte des yeux fatigués, une brume enveloppant le tronc d’un arbre… Les moments imprimés sur les tirages se veulent subtils, presque fugaces. Comme des percées dans un imaginaire commun qu’on se plaît à ériger à mesure que nos yeux se posent sur un détail, une action, une texture. « Mes projets gravitent autour de plusieurs ensembles qui s’assemblent et s’enchaînent comme les scènes d’un même film », commente d’ailleurs l’autrice. S’inscrivant dans « des territoires assez précis », elle s’écarte pourtant volontairement de l’écriture documentaire pour laisser la place au ressenti, à l’indicible. « Ce sont des visions assez oniriques et brumeuses. J’aime penser mon approche comme une manière de révéler l’invisible. Je cherche à souligner des failles, des entre-deux, des bouleversements d’où émergent des choses de l’ordre de l’apparition », explique-t-elle.

© Siouzie Albiach
© Siouzie Albiach

© Siouzie Albiach
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Suggérer plutôt qu’imposer

Un attrait qu’elle développe très jeune. Enfant, elle cultive un goût pour « les imaginaires, les mythologies, le divin », ainsi qu’une fascination pour la nature qu’elle perçoit déjà comme une entité personnifiée. En 2018, son année passée au Japon est marquée par la découverte de la religion shintoïste (un ensemble de croyances ancestrales mêlant des éléments polythéistes et animistes, ndlr). Son séjour en Écosse marque ensuite le point de départ de An Old Tale, une série influencée par les croyances celtes profondément ancrées dans les paysages du pays. Là-bas, loin de tout contact humain, elle imagine une autre connexion, une relation alternative : un dialogue avec l’environnement. « Celui-ci m’accompagne pendant mes déambulations, il m’offre les lumières, matières, couleurs et scènes que je viens recueillir dans mes images », explique Siouzie Albiach.

De manière inconsciente, elle commence à tisser un autre lien avec cette nature évoquant le dialogue habituel entre une photographe et ses modèles. « Je me suis mise à capturer des éléments naturels à la manière de portraits, de personnages, en me rapprochant davantage, en isolant certains détails, en allant vers des images plus organiques, sensibles et parfois abstraites. Cette personnification est aussi présente dans la manière dont je hiérarchise mes images et leurs sujets : j’aime penser chaque cliché comme une sorte d’entité, quelque chose d’habité – et la nature l’est pour moi tout autant qu’une personne. Je crée souvent des duos les mélangeant, pour donner à voir cette latéralité », précise l’artiste. Et, pour enrichir ces échanges visuels, elle se plonge également dans ses propres archives, à la recherche d’éléments à recontextualiser, pour enrichir l’histoire qu’elle écrit, et « donner un sens à des images laissées en suspens ». Mosaïque polymorphe, An Old Tale suggère plutôt qu’elle impose. Révèle des éclats d’une mémoire ancienne, abolit les frontières pour faire naître l’universalité. Perdu·e dans la contemplation de ces tableaux étrangement séduisants, l’instinct prend le pas sur notre raison, et convoque le mysticisme pour nous guider, au moyen d’échos rassurants, dans cette traversée.

© Siouzie Albiach
© Siouzie Albiach

© Siouzie Albiach
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