Mises en scène spectaculaires, enrichissements visuels, sonores, voire tactiles… Les scénographes contribuent à donner aux œuvres exposées une tout autre dimension, et à offrir au public une expérience plus immersive. Jimme Cloo, Dany Gandon et Jean-Christophe Ponce reviennent sur leur métier, où l’imaginaire tient un rôle clé.
« Le métier de scénographe fait partie de ceux qui ont beaucoup évolué ces dernières années, avec le décloisonnement des fonctions attribuées aux créateurs·rice·s, et c’est quelque chose de très positif. Nous nous situons au croisement de beaucoup de corps de métiers, et bien que nous ne remplacions aucun·e spécialiste, il faut connaître les professions avec lesquelles nous collaborons pour que les projets imaginés soient réalistes et réalisables. C’est un travail d’équipe qui colle d’ailleurs bien à ma personnalité », explique Jimme Cloo. Cofondateur de Bigtime Studio avec Marion Flament, le scénographe a ainsi vu son activité se transformer en à peine une décennie. Désormais, il ne s’agit plus seulement d’agencer des œuvres de manière lisible et esthétique, mais bien de prolonger le récit défendu par les artistes et les commissaires, de parvenir à une combinaison qui va de soi, sans tomber dans le simple décor ou l’illustration. « Nous devons porter un propos dramatique, poétique, scientifique, historique, et le mettre en images, en espace. On a tendance à dire que nous sommes le premier outil de médiation d’une exposition ou même d’un spectacle. Nous façonnons la première vision que le public va avoir, et il faut qu’elle capte son attention. Cela nous oblige à ce que la scénographie devienne évidente. Notre métier est important pour la transmission, mais il doit s’effacer : une bonne scénographie est celle qui ne se voit pas mais qui se ressent », assure Jean-Christophe Ponce, qui forme le duo Scénorama, établi à Lyon, avec Dany Gandon.
Conférer une autre dimension aux clichés
Ces architectes au service de l’émotion doivent tout d’abord mener un travail de recherche sur la thématique, sur ce qui a été fait et ce qui se fait aujourd’hui. Cette entreprise se nourrit des discussions avec les artistes, les commissaires et le comité artistique. « En tenant compte du lieu, du budget et des délais, on commence par faire une proposition assez globale avec croquis, images de référence et dessins 3D de principe. Selon les projets, la maquette reste le meilleur moyen de se projeter dans un espace. Elle facilite les échanges », indique Jimme Cloo avant de poursuivre : « Collaborer avec des photographes est toujours passionnant. J’ai l’impression que la scénographie offre la possibilité de raconter un peu plus que ce qui est visible dans les tirages présentés. On peut s’inspirer des couleurs et des formes, tenter de retranscrire une atmosphère, ou aller jusqu’à symboliser le hors champ de l’image. Une matière peut aussi devenir un support. Je pense, par exemple, au sable noir utilisé pour Back to Dust de Marguerite Bornhauser, qui permettait de créer un lien visuel entre les photographies et l’espace de monstration. » Cette exposition, qui s’est tenue au musée départemental Arles antique dans le cadre des Rencontres d’Arles 2023, misait effectivement sur l’ambiance, de même que sur les jeux d’échelles. L’artiste se sert elle-même de ce dernier procédé dans ses compositions, qui dévoilent des fragments de décors et de peintures, de quelques centimètres seulement, issus de fouilles. Dès leur entrée dans une vaste salle, les visiteurs étaient ainsi plongés dans une obscurité sourde, comme s’ils étaient dans l’espace, et découvraient des œuvres semblables à des étoiles, installées du sol au plafond. Le sable noir évoqué faisait quant à lui écho à celui contenu dans les caisses où les archéologues conservent les morceaux d’enduits peints, tandis que des percées dans les murs rappelaient les lamelles de microscope des scientifiques. Les mises en scène que Jimme Cloo a réalisées avec le collectif Fetart pour le festival Circulation(s) témoignent tout autant de cette envie de conférer une autre dimension aux clichés. Souvent expressives et marquantes, elles sont faites de papiers peints colorés qui structurent les espaces, jouent avec les cimaises, les lumières et les différents supports, parfois interactifs.
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #67.