
Présentée à la galerie Territoires Partagés jusqu’au 31 janvier 2026, Les Napolitains de Bernard Plossu marque un tournant dans le parcours du photographe. Réalisée au milieu des années 1980, la série capte Naples à hauteur d’humain·e, privilégiant les visages, les gestes et l’énergie de la rue plutôt que les clichés urbains. Un premier ancrage italien qui révèle déjà son attachement profond au Sud et à ses territoires vibrants.
Bernard Plossu est une figure emblématique de la photographie contemporaine. Né en 1945 à Đà Lạt (Vietnam), il grandit en France et développe très tôt un rapport au voyage et à l’errance. Devenu photographe dans les années 1960, il adopte un style très personnel, irrigué par son amour du cinéma : la Nouvelle Vague, les westerns ou le néoréalisme. Il renonce volontairement à une approche documentaire, lisse ou commerciale, pour restituer une réalité vivante, où chaque instant devient surréaliste et poétique. Parmi ses séries les plus célèbres, on compte notamment son Voyage mexicain (issu de ses séjours au Mexique dès 1965), ses paysages de l’Ouest américain, ses séquences en Inde où il conçoit ce qu’il appelle le « surbanalisme », ainsi que des reportages en Afrique ou en Italie. Le corpus des Napolitains marque un moment charnière dans son rapport à l’Italie : un premier contact avec le Sud qui ouvrira par la suite sur des années de travail dans les îles italiennes, au sein duquel Naples constitue un véritable foyer, un territoire où se mêlent la turbulence du réel et la douceur de l’intime.


Un récit où se mêlent voyage, intimité, mémoire
Avec Les Napolitains, Bernard Plossu explore Naples et sa périphérie lors d’un séjour au milieu des années 1980, au cours duquel il arpente le territoire avec Françoise Nuñez, sa compagne. Fidèle à son approche intuitive, il ne cherche pas à documenter Naples de façon exhaustive, mais à capter ce qui affleure dans la rue : les visages, les gestes familiers, la densité humaine et l’énergie presque théâtrale qui caractérisent la ville. Le titre de la série, qui fait écho à Les Américains de Robert Frank, annonce cette volonté de se concentrer avant tout sur les habitant·es plutôt que sur les monuments ou les clichés urbains. Le lien du photographe avec l’Italie s’établit en 1987, lors d’un voyage à Stromboli avec Françoise Nuñez et leur fils Joaquim : un moment fondateur qui ouvre trois décennies d’explorations sur les petites îles italiennes, où l’artiste apprivoise une lumière réputée difficile et en fait un véritable langage intérieur.
Dans cette nouvelle série, Naples apparaît à travers des fragments du quotidien : silhouettes, gestes, regards qui composent une ville vivante et sans apprêt. Le photographe y déploie son attention aux instants discrets, sa manière d’arracher au passage des images qui disent davantage que la scène elle-même. Si certaines évoquent l’austérité lumineuse du cinéma italien des années 1950, elles s’en écartent par une liberté presque tactile, une respiration. Cette aventure italienne est aussi liée à une histoire personnelle : celle d’un dialogue amoureux avec Françoise Nuñez, compagne de vie et d’art, dont la présence irrigue ces années de déplacements et de découvertes. Les photographies recueillent ainsi autant un espace géographique qu’un espace affectif. Elles forment un récit où se mêlent voyage, intimité, mémoire et disponibilité au monde. En présentant Les Napolitains, la galerie Territoires Partagés offre l’occasion de retrouver une œuvre guidée par la patience, l’attention et la grâce discrète. Bernard Plossu y poursuit, avec la même simplicité exigeante, son exploration des visages et des lieux qui composent son Italie intérieure.


