Bernard Plossu : Naples à hauteur d’âme

11 décembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Bernard Plossu : Naples à hauteur d'âme
© Bernard Plossu
Un homme regarde la mer
© Bernard Plossu

Présentée à la galerie Territoires Partagés jusqu’au 31 janvier 2026, Les Napolitains de Bernard Plossu marque un tournant dans le parcours du photographe. Réalisée au milieu des années 1980, la série capte Naples à hauteur d’humain·e, privilégiant les visages, les gestes et l’énergie de la rue plutôt que les clichés urbains. Un premier ancrage italien qui révèle déjà son attachement profond au Sud et à ses territoires vibrants.

Bernard Plossu est une figure emblématique de la photographie contemporaine. Né en 1945 à Đà Lạt (Vietnam), il grandit en France et développe très tôt un rapport au voyage et à l’errance. Devenu photographe dans les années 1960, il adopte un style très personnel, irrigué par son amour du cinéma : la Nouvelle Vague, les westerns ou le néoréalisme. Il renonce volontairement à une approche documentaire, lisse ou commerciale, pour restituer une réalité vivante, où chaque instant devient surréaliste et poétique. Parmi ses séries les plus célèbres, on compte notamment son Voyage mexicain (issu de ses séjours au Mexique dès 1965), ses paysages de l’Ouest américain, ses séquences en Inde où il conçoit ce qu’il appelle le « surbanalisme », ainsi que des reportages en Afrique ou en Italie. Le corpus des Napolitains marque un moment charnière dans son rapport à l’Italie : un premier contact avec le Sud qui ouvrira par la suite sur des années de travail dans les îles italiennes, au sein duquel Naples constitue un véritable foyer, un territoire où se mêlent la turbulence du réel et la douceur de l’intime.

Le vésuve et le golfe de Naples
© Bernard Plossu
Journée de pluie
© Bernard Plossu

Un récit où se mêlent voyage, intimité, mémoire

Avec Les Napolitains, Bernard Plossu explore Naples et sa périphérie lors d’un séjour au milieu des années 1980, au cours duquel il arpente le territoire avec Françoise Nuñez, sa compagne. Fidèle à son approche intuitive, il ne cherche pas à documenter Naples de façon exhaustive, mais à capter ce qui affleure dans la rue : les visages, les gestes familiers, la densité humaine et l’énergie presque théâtrale qui caractérisent la ville. Le titre de la série, qui fait écho à Les Américains de Robert Frank, annonce cette volonté de se concentrer avant tout sur les habitant·es plutôt que sur les monuments ou les clichés urbains. Le lien du photographe avec l’Italie s’établit en 1987, lors d’un voyage à Stromboli avec Françoise Nuñez et leur fils Joaquim : un moment fondateur qui ouvre trois décennies d’explorations sur les petites îles italiennes, où l’artiste apprivoise une lumière réputée difficile et en fait un véritable langage intérieur.

Dans cette nouvelle série, Naples apparaît à travers des fragments du quotidien : silhouettes, gestes, regards qui composent une ville vivante et sans apprêt. Le photographe y déploie son attention aux instants discrets, sa manière d’arracher au passage des images qui disent davantage que la scène elle-même. Si certaines évoquent l’austérité lumineuse du cinéma italien des années 1950, elles s’en écartent par une liberté presque tactile, une respiration. Cette aventure italienne est aussi liée à une histoire personnelle : celle d’un dialogue amoureux avec Françoise Nuñez, compagne de vie et d’art, dont la présence irrigue ces années de déplacements et de découvertes. Les photographies recueillent ainsi autant un espace géographique qu’un espace affectif. Elles forment un récit où se mêlent voyage, intimité, mémoire et disponibilité au monde. En présentant Les Napolitains, la galerie Territoires Partagés offre l’occasion de retrouver une œuvre guidée par la patience, l’attention et la grâce discrète. Bernard Plossu y poursuit, avec la même simplicité exigeante, son exploration des visages et des lieux qui composent son Italie intérieure.

Un homme marche parmi les voitures
© Bernard Plossu
Personnes sur les motos
© Bernard Plossu
Sur les quais
© Bernard Plossu
À lire aussi
Naples, une noirceur émouvante
Naples, une noirceur émouvante
Le photographe londonien Sam Gregg place les gens au cœur de ses images. Ses portraits représentent des hommes aux traits saisissants, et…
17 avril 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Noir & blanc à la BnF : la puissance et la vivacité d'un genre à voir jusqu'au 21 janvier !
© Ray K. Metzker Kayak, Frankfurt, 1961 BnF, Estampes et photographie © Estate Ray K. Metzker / Courtesy of BnF
Noir & blanc à la BnF : la puissance et la vivacité d’un genre à voir jusqu’au 21 janvier !
À l’occasion de cette rentrée 2024, la Bibliothèque nationale de France étend les horaires d’ouverture des expositions Épreuves de…
12 janvier 2024   •  
Écrit par Milena III
Sous le soleil d'Italie avec Valentina Luraghi
Mediterraneo © Valentina Luraghi
Sous le soleil d’Italie avec Valentina Luraghi
À travers sa série Mediterraneo, Valentina Luraghi nous transporte dans ses souvenirs d’été. Le·la spectateur·ice y découvre le…
29 août 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Explorez
La sélection Instagram #539 : tout ce qui brille
© Jo Bradford / Instagram
La sélection Instagram #539 : tout ce qui brille
Pour fêter la nouvelle année, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine posent leurs regards sur tout ce qui brille : feux...
30 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de coeur #570 : Fahad Bahramzai et Elisa Grosman
© Elisa Grosman
Les coups de coeur #570 : Fahad Bahramzai et Elisa Grosman
Fahad Bahramzai et Elisa Grosman, nos coups de cœur de la semaine, cherchent tous deux à transmettre des émotions par l’image. Le premier...
29 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #538 : le grand manteau blanc
© Christie Fitzpatrick / Instagram
La sélection Instagram #538 : le grand manteau blanc
À l’approche des fêtes de fin d’année, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine capturent la poudreuse, les chutes...
23 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Chad Unger, feu tranquille
© Chad Unger
Chad Unger, feu tranquille
Chad Unger est l’auteur de la série au titre étrange et poétique Fire Barked At Eternity – littéralement « le feu aboya à l’éternité »....
20 décembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #539 : tout ce qui brille
© Jo Bradford / Instagram
La sélection Instagram #539 : tout ce qui brille
Pour fêter la nouvelle année, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine posent leurs regards sur tout ce qui brille : feux...
30 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de coeur #570 : Fahad Bahramzai et Elisa Grosman
© Elisa Grosman
Les coups de coeur #570 : Fahad Bahramzai et Elisa Grosman
Fahad Bahramzai et Elisa Grosman, nos coups de cœur de la semaine, cherchent tous deux à transmettre des émotions par l’image. Le premier...
29 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 22 décembre 2025 : neige, enfance et cinéma
Emcimbini de la série Popihuise, 2024 © Vuyo Makheba, Courtesy AFRONOVA GALLERY
Les images de la semaine du 22 décembre 2025 : neige, enfance et cinéma
C’est l’heure du récap ! Au programme cette semaine : l’éclat ivoire des premiers flocons pour le solstice d’hiver, un retour sur la...
28 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
10 séries autour de la fête pour célébrer la nouvelle année
© Eimear Lynch
10 séries autour de la fête pour célébrer la nouvelle année
Ça y est, 2025 touche à sa fin. Dans quelques jours, un certain nombre d’entre nous célèbreront la nouvelle année avec éclat. À...
27 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet