Dans le cadre des Rencontres de la jeune photographie internationale de Niort, nous avons eu l’occasion de rencontrer Rachele Maistrello, dont l’exposition Blue Diamond se tient jusqu’au 27 mai au Pavillon Grappelli. Un travail futuriste, où la science peut devenir un outil intérieur et méditatif.
« Si vous voulez découvrir les secrets de l’univers, pensez en termes de vibrations. » Le cœur de Blue Diamond se raconte en ces quelques mots, prononcés par une narratrice secrète, dans une vidéo faisant partie intégrante du projet. Deuxième volet d’une saga de science-fiction, celui-ci conte les recherches scientifiques et éthiques de Gao Yue – personnage entièrement fictif – , un plongeur apnéiste et chercheur qui développe un lien profond avec certains cétacés dans les profondeurs océaniques. Présentée aux Rencontres de Niort, l’œuvre de la jeune artiste italienne Rachele Maistrello se découvre dans un bel édifice de la ville, le Pavillon Grappelli.
Une vidéo, une archive historique fictive composée de tirages argentiques, mais aussi de reproductions de lettres et de documents des années 1970, composent les pièces d’une narration qu’elle souhaite « poétique et rhizomatique ». Un travail fascinant, vibrant, inspiré de découvertes biologiques réelles. Et qui lui a valu d’être exposé dans diverses institutions du monde, entre 2021 et 2022. Tout au long de notre parcours, il n’est pas toujours aisé de savoir ce qui relève du mensonge ou de la vérité. C’est finalement aux visiteurices qu’il revient d’en décider. En ce sens, il s’agit d’un travail qui ment à merveille. La photographie devient un outil, afin de concevoir une science-fiction tout à fait crédible.
Alchimie méditative
Le projet Blue Diamond est parti d’un désir : trouver une manière de faire parler les créatures océaniques. Traduire visuellement quelque chose qui ne peut pas être entendu, c’est-à-dire une série d’ultrasons. Pour y parvenir, Rachele Maistrello a enregistré ceux des dauphins de la mer Ionienne, située dans le sud-est de l’Italie. Elle a ensuite tenté de les faire résonner dans le sable, qui s’est mis à vibrer. Ce qu’il reste de cette expérience ? Huit tirages au sel d’argent qui, bien qu’abstraits, figent les dessins formés par ces vibrations. Et donnent ainsi à percevoir un langage invisible, qu’elle fait passer pour une archive scientifique. « Cela fait écho à une nouvelle manière qu’ont les scientifiques de tenter de communiquer avec les animaux, en utilisant des formes », explique-t-elle. Un travail engagé, proche des réflexions actuelles sur l’écologie et la cohabitation avec le vivant.
Avec Rachele Maistrello, la photographie révèle des possibilités. Elle se fait alchimie. Car à partir de ces bases réelles, elle choisit de construire une histoire imaginaire, résonnant intimement avec ses convictions profondes. À travers les recherches qu’il mène sur l’océan et sur son propre corps en apnée, le personnage de Gao Yue explore les limites et la complexité de son moi profond. Dans l’eau, tandis qu’il s’essouffle, son corps se modifie. Le contact avec le monde marin lui fait découvrir un état quasi méditatif, proche des perceptions vécues dans le ventre maternel. C’est ce retour à l’origine, à l’océan, qu’explore Blue Diamond. « De plus en plus immergé·es dans un état d’hyper-productivité, nous avons oublié notre nature d’être vivant, assure-t-elle. Nous l’avons supprimée. Et l’acceptation de notre composante biologique profonde, est devenue de plus en plus intolérable. Dans ce travail, j’étudie ces besoins fondamentaux. Je donne de l’espace au vide, pour qu’il s’adresse à notre être au plus profond de lui. » Le médium photographique permet à l’artiste de figurer cet océan qui se trouve à l’extérieur, et à l’intérieur de nous. Et de faire voir le silence – ce même silence que la méditation vient chercher à travers le corps.
© Rachele Maistrello