Poèmes et images se mélangent dans les Non-dits de Jean-François Flamey, un ouvrage aux multiples facettes. Une superbe occasion de découvrir le travail de ce photographe basé à Namur, en Belgique.
Enfant, Jean-François Flamey se plongeait dans les albums photos de ses parents et grands-parents. Plus tard, en tant que disquaire, ce sont les pochettes de disques qui ont nourri son imaginaire. Autodidacte, il pratique la photo depuis 2000. « À ce moment, je ne considérais plus la photo comme une fabrique à souvenirs, elle pouvait porter des récits », raconte le photographe. Très vite, le médium devient indispensable et apparaît comme l’outil parfait pour « observer, appréhender, creuser et critiquer le monde qui l’entoure ».
Dans Non-dits, il présente des instants entre rêve ou état hypnagogique (état de conscience situé entre celui de la veille et celui du sommeil). En feuilletant cette juxtaposition d’images, on pénètre dans « un laboratoire de manipulations ». Car pour « ramener » ces moments rêvés ou fantasmés dans une réalité palpable, il a fallu travailler sur la matérialité. Jean-François a effectué des manipulations plastiques diverses et variées : bain de produits, mise en culture dans une cave humide ou encore collage dans la rue.
« L’ambiance est hitchcockienne, névrotique, inquiétante
— ou issue d’un polar signé Simenon, pesante comme chez Mauriac
on égare un spleen baudelairien dans les bois asphyxiants du « Projet Blair Witch »
on se dit que ces images ont une histoire qu’elles ne veulent pas raconter
comme un secret de famille jamais dévoilé
dans le silence on n’entend ni crier, ni hurler, ni murmurer
le doute est oppressant et aucune certitude ne nous délivre de l’épreuve »
Un dédale où imaginaire et réalité se côtoient
Dans ce « dédale où imaginaire et réalité se côtoient », des textes accompagnent le lecteur en quête de sens. Quelle est l’histoire de cette image ? Que représente ce paysage flou ? Et ce corps dénudé ? L’ouvrage aux images oniriques alterne couleur et noir et blanc sur différents papiers. Encore un subterfuge pour brouiller les pistes. Emmanuel d’Autreppe, enseignant en histoire de la photographie, Adeline Rossion, responsable des collections au Musée de la Photographie de Charleroi ou encore Jean Janssis, professeur de sémiotique et de photographie à l’Institut des Beaux-Arts de Liège livrent de délicieux poèmes – autant d’indices pour le lecteur, encouragé à creuser lui-même les images. Car l’objectif de Jean-François est clairement affiché. Il s’agit de « pousser le spectateur à établir sa propre construction mentale », précise-t-il. Des non-dits qui invitent chacun à se forger son propre récit.
© Jean-François Flamey
Non dits, Éditions Yellow Now, 19 €, 120 p.