Cloé Leservoisier et Patrick, alias Geekandstar, nos coups de cœur de la semaine, jouent avec les couleurs pour altérer – ou dévoiler ? – le réel qu’elle et il capturent. La première mêle documentaire et expérimentation pour explorer aussi bien le monde que ses origines, tandis que le second capture ce qui l’entoure et en révèle les histoires cachées.
Cloé Leservoisier
« Je vois la photographie comme un moyen de communiquer, de découvrir des personnes très différentes, divers modes de vie, de nouvelles façons de penser », confie Cloé Leservoisier. Photographe, directrice artistique et musicienne installée entre la Normandie, Paris et la Bretagne, la jeune femme développe une démarche à mi-chemin entre le documentaire et l’expérimentation. Influencée par ses études en graphisme, elle aime à jouer avec les règles et les conventions visuelles. En résultent des images aux couleurs surréelles, où se déploie une atmosphère étrange et onirique. En effet, son utilisation du flash et de gélatines lui permet de réaliser « des jeux graphiques, de révéler des détails cachés, de réinventer les espaces et les scènes qui [l]’entourent ». À ce travail de recherche plastique et formelle s’ajoute une approche particulièrement intime. Sa série Paradis perdu, par exemple, marque « le début d’une quête personnelle et artistique pour retrouver le lien perdu avec [ses] origines ». Issu d’un voyage longtemps rêvé en Martinique, île où son grand-père est né, ce projet lui a permis « de comprendre beaucoup de choses sur [son] identité et la complexité des relations entre l’île et la métropole ». Et ce travail n’est pas le seul à replonger l’autrice dans son passé : sa série Habitants, transportant le ou la spectateur·ice au cœur de la vie d’un petit village normand, se présente comme une « réconciliation avec le monde rural qu’[elle] a pu rejeter plus jeune ». Chez Cloé Leservoisier, la photographie se met ainsi non seulement au service de la découverte d’autrui, mais également de soi.
Geekandstar
Patrick, alias Geekandstar, se lance dans la photographie un peu par hasard, après avoir récupéré un vieil appareil oublié par un client dans l’ancien restaurant de ses parents. Rapidement, cette pratique devient, pour lui, une sorte d’exutoire, un moyen de relâcher la pression accumulée au cours de ses études et de ses stages. Capturant ce qui l’entoure, ce qui attire son attention, qu’il s’agisse de lieux ou de personnes, le jeune homme développe une approche marquée par l’intuition. Parfois, il se plait également à « modifier la réalité qui se trouve devant [lui] en expérimentant au moyen de la retouche, qui [lui] offre une marge de liberté ». En résultent des images à l’atmosphère étrange et poétique, qui ne semblent pas toujours appartenir au monde réel. La manipulation des couleurs opérée par l’artiste fait basculer les photographies dans le domaine de la fiction. Cinématographiques, certaines ont l’air tout droit extraites de scènes de films et suggèrent un hors-champ imaginaire où se poursuivrait l’action. Associant une teinte à une émotion, rien d’étonnant à ce que Geekandstar crée des clichés où se mêlent mélancolie et exaltation.