Cette semaine, plongée dans l’œil d’Anaïs Kugel. Nous nous sommes récemment entretenues avec l’artiste autour de sa série Les travailleuses du sexe dans laquelle elle dévoile avec bienveillance les dessous de cette profession méconnue. Pour Fisheye, elle revient sur les différents éléments qui l’ont conduite à réaliser cette image tendrement sensuelle de Romy Alizée.
« J’ai rencontré Romy Alizée en 2018. Je réalisais un documentaire sur les femmes, je l’avais interviewée et photographiée. J’adorais son travail photographique et ses performances dans les films de pornographie féministes d’Erika Lust. L’année dernière Romy m’a donné rendez-vous chez elle, un matin de novembre, dans son appartement parisien. J’étais un peu nerveuse, ça m’impressionne toujours de photographier une photographe, surtout elle, qui sait si bien le faire toute seule. Ici, elle est représentée en vendeuse de culottes. Avant de réaliser cette image, je voulais trimballer son univers à l’extérieur, le déplacer dans un endroit inattendu. Finalement, nous sommes restées dans son cocon. Comme elle fait beaucoup d’autoportraits, je lui ai proposé d’être son trépied humain et de la regarder se regarder.
Cette photo caractérise bien l’atmosphère générale de mon projet sur les travailleuses du sexe, loin des clichés. Il y a de l’humour, et de la douceur, un beau mélange de nos univers. J’avais envie que l’on puisse se reconnaitre toutes les deux, car même si notre écriture photographique est différente, nous avons quelques points communs. J’ai commencé la photo en faisant beaucoup d’autoportraits, notamment des commandes plus érotiques que je vendais quand j’étais encore étudiante. On m’a toujours dit que mon travail était poétique avec un quelque chose de sexuel. Comme si l’un ne pouvait pas vraiment aller avec l’autre et qu’il fallait dissocier les deux. Impossible à faire avec le travail de Romy, qui est beaucoup plus “frontal”, dans le sens où il a pour habitude de questionner la société et remettre en question la frontière entre l’image artistique et l’image pornographique. Choses qu’elle fait avec beaucoup de poésie punk. Le mot qui me vient quand je pense à Romy, c’est “libre ». »