« C’est là que nous nous rendons compte de l’ampleur du mastodonte capitaliste que l’humanité a créé. »
Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Joel Redman, qui signe The North Chose Us. Dans cette série, dont nous parlions déjà il y a quelques semaines, le photographe témoigne du combat du peuple sami pour sauvegarder sa terre, menacée par les industries extractives et la construction d’un chemin de fer financé par la Chine. Pour Fisheye, il revient sur l’une de ses images, qui donne à voir la mine de Kevitsa, en Finlande.
« Debout au bord du précipice d’une paroi rocheuse surplombant la mine de Kevitsa, l’étendue qui s’offre à moi est insondable. Des camions semblant minuscules au loin, mais dont la taille correspond, je le sais, à celle d’au moins deux maisons mitoyennes, transportent des gravats et du minerai depuis le fond de la mine jusqu’au sommet, en empruntant des pistes sinueuses. Il s’agit d’une cicatrice sismique importante sur un paysage devenu méconnaissable. Elle dissèque des terres jusque-là contiguës, des couloirs migratoires et des habitats naturels. C’est là que nous nous rendons compte de l’ampleur du mastodonte capitaliste que l’humanité a créé. Nous observons les dommages que les industries extractives causent à l’environnement, d’abord visuellement, mais pas seulement. Comme nous ne le savons que trop bien, elles ne cessent de provoquer des effets dévastateurs sur nos écosystèmes et nos biomes fragiles.
Cette image et sa création m’ont laissé inquiet et partiellement figé dans un état de stupeur. Le degré de dévastation est tellement considérable qu’il induit une anxiété climatique particulière, tout en étant profondément surréaliste. »