« Il y a un siècle, l’ours polaire était la grande bête du Nord, aujourd’hui on le voit bien plus comme une victime du changement climatique. »
Né au Danemark et résidant désormais en Suède, Lars Dyrendom se concentre sur les rapports des humains à leur environnement. Polar Bear, présentée au public pour la première fois dans le cadre du festival Circulation(s) jusqu’au 2 juin prochain, questionne l’histoire de son pays. Pour Fisheye, il revient sur l’un des clichés qui composent sa série – illustration frappante du sort paradoxal réservé aux ours polaires.
Lorsque j’ai commencé à chercher dans des archives nationales danoises, j’étais impressionné de découvrir que la plupart des documents montraient des ours polaires tués lors de chasses, par des hommes qui ont voulu conquérir le Grand Nord. On rencontre souvent l’ours polaire en tant que symbole de fierté dans le pays. Au Danemark, la production de faïences à l’effigie d’ours polaires est très importante, par exemple. Son Musée d’histoire naturelle a la plus grande collection de crânes d’ours polaires dans le monde. Ce que je trouve également intéressant est qu’il y a encore un siècle, c’était la grande bête du Nord, alors qu’aujourd’hui, on le perçoit beaucoup plus comme une victime du changement climatique. Cette image — tirée des archives – , en ce sens, provoque beaucoup d’émotion, d’autant plus que l’ours que l’on voit a été fusillé directement entre les yeux.
J’ai tenté, avec Isbjørn/Polar Bear, de porter un regard décolonial sur le Groenland, qui fait partie du Royaume du Danemark. Même s’il ne s’agit plus d’une colonie mais d’une province depuis 1953, les relations n’ont pas encore complètement évolué vers l’égalité. Il y a deux ans, un documentaire à la gloire des explorateurs danois, Perdus dans l’Arctique (2022), est sorti sur Netflix. Ma série mélange des extraits du film avec certaines des archives que j’ai trouvées, et des portraits de ces ours polaires. Le débat sur la colonisation est peu avancé, c’est au contraire très nouveau, et c’est ce que j’ai voulu montrer : l’histoire coloniale tardive et méconnue d’un pays.