De la passion à la distance, les métaphores amoureuses de Ruizhe Hong

23 mars 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
De la passion à la distance, les métaphores amoureuses de Ruizhe Hong

Dans So close when you look away, une série à la beauté saisissante, Ruizhe Hong illustre cette sensation étrange de distance que l’on expérimente parfois au sein d’une relation et interroge, à travers elle, notre rapport à l’amour.

« Mon approche de la photographie relève à la fois de l’intuition et de l’insinuation. Si j’aime capturer les instants qui me touchent et me surprennent, j’utilise aussi des accessoires, des objets pour apporter une charge symbolique à mes images. J’aime les implications subtiles qui se glissent dans ces éléments et qui invitent les spectateurices à se plonger dedans une seconde fois », raconte Ruizhe Hong. Diplômé de l’université de Westminster, le photographe indépendant s’est établi à Londres, où il développe des projets délicats, mariant portraits et préoccupations intimes. Amoureux de l’image depuis un voyage au Japon, il s’applique à figer son environnement, mettre en scène ses émotions avec un raffinement captivant, esquissant, à l’aide de couleurs et de sensations, des arabesques gracieuses sur le monde.

Cette douceur, le photographe la développe dans So close when you look away. Une série qui tire son nom d’un vers du poète chinois Gu Cheng : « Si lointain lorsque tu me regardes, si proche lorsque tu observes les nuages ». « L’auteur y décrit cette sensation de distance que l’on peut ressentir au sein d’une relation intime », précise Ruizhe Hong. Une absence, un recul inexplicable qui parasite l’idylle, teinte l’amour des nuances du doute. « J’ai voulu combiner ces vers pour souligner cette notion d’aliénation qui contredit la proximité habituelle », ajoute-t-il.

© Ruizhe Hong

Vaut-il mieux durer que brûler ?

Dans les images de Ruizhe Hong, les doigts s’enlacent, les corps se rapprochent, mais les regards fuient, se perdent dans un néant inconfortable, dans la complexité des relations. Quel est ce vide qui naît dans la poitrine ? L’amour est-il assez fort pour l’emplir à nouveau ? Inspiré par les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, l’artiste imagine une série de créations métaphoriques, illustrant « les émotions subtiles que les amant·es vivent au cours d’une relation ». « L’un des textes de l’ouvrage soulève par exemple des questionnements fascinants : pourquoi l’amour viable est positif ? Pourquoi vaut-il mieux durer que brûler ? », poursuit-il. Se considérant lui-même comme un passionné dont les flammes s’embrasent et s’éteignent rapidement, Ruizhe Hong donne à voir, à travers So close when you look away, la fragilité des émotions – l’imprévisible, le vulnérable. Fils enroulés autour des mains, glaçons, allumettes, coquilles d’œufs, oiseaux… Les symboles se multiplient, convoquant tour à tour le caractère éphémère de l’amour, la souffrance qu’il engendre, le besoin de liberté qui grandit, et le détruit.

Pourtant, malgré l’inéluctabilité de la rupture – celle qui amène les pleurs, mais ravive le feu de la nouveauté – les personnages mis en scène par l’artiste semblent s’accrocher, s’approcher comme pour, à deux, devenir suffisamment fort·es et endurer l’accalmie. Ces lueurs d’espoir, Ruizhe Hong les teintent d’une sincérité touchante. « Si les compositions avec des objets ont été planifiées minutieusement, certains décors, certains gestes de mes modèles étaient de belles surprises. Une improvisation qui m’a permis d’épouser l’inconnu », confie-t-il. Un projet tout en nuance, où la beauté transperce le réel pour mieux interroger notre manière d’appréhender l’autre.

© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong

© Ruizhe Hong

Explorez
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Caroline Furneaux : l'amour en boîte
Rosa, The Mothers I Might Have Had © Caroline Furneaux
Caroline Furneaux : l’amour en boîte
Dans son ouvrage The Mothers I Might Have Had, Caroline Furneaux exhume l'archive intime de films 35 mm de son père décédé pour une...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
© Lieh Sugai
InCadaqués Festival : Lieh Sugai remporte le Premi Fotografia Femenina 2025
Le Premi Fotografia Femenina Fisheye x InCadaqués a révélé le nom de sa lauréate 2025 : il s’agit de Lieh Sugai. Composée de...
10 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
L'errance incarnée par Alison McCauley
© Alison McCauley, Anywhere But Here
L’errance incarnée par Alison McCauley
Avec Anywhere But Here (« Partout sauf ici », en français), Alison McCauley signe un livre d’une grande justesse émotionnelle. Par une...
10 septembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
#paradise - curateur : Samuel Bollendorff.
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
Le festival de photojournalisme Visa pour l’image revient pour sa 37e édition jusqu'au 14 septembre 2025. Parmi les 26 expositions...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Sous le soleil arlésien, nous avons rencontré Lee Shulman et Thomas Lélu à l’occasion de la sortie de Couldn’t Care Less. Pour réaliser...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet