Ernst Haas, un monde en couleur

16 septembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Ernst Haas, un monde en couleur

Les Douches la Galerie présente La couleur visionnaire, une exposition consacrée au travail d’Ernst Haas. Un voyage dans l’œuvre abstraite et intemporelle du photographe viennois.

Né en 1921, Ernst Haas est reconnu comme l’un des pionniers de la photographie couleur. Venu de Vienne, l’artiste s’installe à New York en 1951, et délaisse alors le monochrome pour capter l’effervescence de la ville américaine. En 1953, le magazine Life publie un reportage couleur de 24 images de l’artiste, une première pour le journal. Étonnante et intemporelle, l’exposition La couleur visionnaire présente 40 clichés du photographe, pris entre 1952 et 1981. Inédites pour la plupart, ces photographies illustrent le goût de l’auteur pour la modernité et l’évolution constante de sa pratique. Au fil des œuvres, son amour pour l’abstraction, les jeux de superposition, les flous poétiques et la peinture apparaît, révélant une identité complexe et fascinante. Un voyage dans la carrière d’un artiste passionné par la nouveauté.

Car c’est la modernité qui captive Ernst Haas. Grand voyageur, le photographe a parcouru le monde entier, travaillant pour Life, Vogue, Look ou encore Esquire. De la France aux États-Unis, il fige le progrès avec délice et bouleverse la vision classique du médium photographique. Dans les années 1970, l’auteur shoote, par exemple, de nombreuses télévisions couleur. « Il semble vouloir recenser les signes de l’Amérique contemporaine et de ses mythologies politiques, diplomatiques, scientifiques, sportives et culturelles », précise le critique d’art Étienne Hatt. Sans artifice, il photographie les écrans allumés. Des images brutes, symboliques d’un progrès qui le rend admiratif.

© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Altérer la perception

Quoique précurseur, le photographe a cédé sa place, dans les livres d’histoire, aux auteurs de la génération suivante. Un succès timide, lié à l’histoire du médium : « En 1963, John Szarkowski (alors devenu directeur de la photographie du MoMA) affirmera que la volonté d’art de la photographie est inséparable du noir et blanc », explique Étienne Hatt. La couleur est jusqu’alors perçue comme un simple outil de reproduction, captant le monde avec un réalisme entendu. Il faudra attendre les expositions de William Eggleston et Stephen Shore pour que cette idée vole en éclat. Pourtant, Ernst Haas jouait déjà avec les notions de réalisme et d’abstraction, transformant la couleur en un terrain d’expérimentation sans limite. « Celle-ci contribue à altérer la perception, Haas ne l’utilise jamais pour sa valeur descriptive », déclare Étienne Hatt.

Au cœur des images, les doubles expositions, les flous et les aplats de couleur rappellent les mouvements picturaux avides de se détourner du réel. Avec la couleur, notamment les rouges soutenus, le photographe transforme les espaces urbains en paysages poétiques empreints de nostalgie. Son goût pour l’image dans l’image donne lieu à des constructions romanesques sublimes : une affiche d’un couple s’embrassant est mise en cage par une grille froide, un cliché d’une Marilyn Monroe triomphante semble avaler les gratte-ciel de la ville. En refusant le monochrome, Ernst Haas compose un récit aussi abstrait qu’envoûtant, d’une impressionnante modernité.

 

La couleur visionnaire

Les Douches la Galerie

Jusqu’au 9 novembre 2019

5 rue Legouvé, 75010 Paris

© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Ernst Haas Estate Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

© Ernst Haas Estate / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris

Explorez
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
© Noémie de Bellaigue
Tisser des liens, capter des mondes : le regard de Noémie de Bellaigue
Photographe et journaliste, Noémie de Bellaigue capture des récits intimes à travers ses images, tissant des liens avec celles et ceux...
15 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Faits divers : savoir mener l’enquête
© Claude Closky, Soucoupe volante, rue Pierre Dupont (6), 1996.
Faits divers : savoir mener l’enquête
Au Mac Val, à Vitry-sur-Seine (94), l’exposition collective Faits divers – Une hypothèse en 26 lettres, 5 équations et aucune réponse...
13 février 2025   •  
Écrit par Lou Tsatsas
In South Korea : Dorian Prost éclaire les contrastes d’un pays en mutation
© Dorian Prost. In South Korea
In South Korea : Dorian Prost éclaire les contrastes d’un pays en mutation
Alors que l’actualité sud-coréenne oscille entre crises politiques et rayonnement culturel, In South Korea de Dorian Prost offre une...
12 février 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
L’œuvre de Dennis Morris, photographe de Bob Marley et des Sex Pistols, se dévoile à la MEP
Sid Vicious, Stockholm, Suède, 25 juillet 1977 © Dennis Morris
L’œuvre de Dennis Morris, photographe de Bob Marley et des Sex Pistols, se dévoile à la MEP
Jusqu’au 18 mai 2025, la MEP accueille Music + Life, la première rétrospective consacrée à Dennis Morris en France. Comme son nom...
08 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
© Maria Louceiro / Instagram
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’approprient la couleur. En hommage aux beaux jours qui reviennent doucement...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
© Jana Sojka
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Jana Sojka, photographe dont nous vous avions déjà présenté les collages. Pour Fisheye...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
© Sébastien François
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
Sébastien François et Matthieu Baranger, nos coups de cœur de la semaine, ont fait de l’architecture urbaine la muse de leurs projets...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 10.02.25 au 16.02.25 : amour, divergences et expositions
© Dorian Prost
Les images de la semaine du 10.02.25 au 16.02.25 : amour, divergences et expositions
C’est l’heure du récap ! En cette semaine marquée par la Saint-Valentin, les pages de Fisheye célèbrent l’amour et vous font également...
16 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet