Elle a voyagé dans cinq pays différents pour photographier leurs histoires: Aurore Vinot, 33 ans, a tiré plus de 100 portraits. C’est le projet “Makeda » (référence à l’histoire de la Reine de Saba et du roi Salomon d’Israël qui tombèrent amoureux malgré des origines opposées). Ces gens, hommes et femmes, sont en couple. Leur particularité: ce sont des couples mixtes. Depuis 2012, ils font l’objet de son exploration autour de l’identité.
Comment assumer une relation amoureuse, s’y épanouir, quand elle peut aller à l’encontre de la réflexion sociale d’un pays et de son passé ? De ses géographies culturelles ? De ses préjugés ? C’est ce qu’essaye de démêler la photographe, qui a dédié le premier volet de ce vaste récit à l’Algérie.
“Makeda parle de racisme, d’appréhension et d’interdit.”
“Les Algériens sont très pudiques”
, raconte Aurore, “lors de mon premier voyage là-bas, je n’ai pas pu prendre d’images”. Elle essuie de nombreux refus. Mais le bouche-à-oreille et la persévérance suscitent un élan de curiosité en sa faveur. Car Aurore s’intéresse à des marginaux. Et “la marginalité dérange” autant qu’elle peut fasciner.
C’est le cas aussi en Afrique du Sud: Aurore se confronte malgré elle à une autre image de ce pays où elle a déjà vécu deux ans. L’apartheid y est toujours présent, “douloureusement influent”.
Elle ajoute: “Les gens que j’ai rencontré sont très courageux et très déterminés”. Explorer la mixité, c’est pour elle un moyen d’observer “ces parcours, ces facettes de la société tellement riches.”
Ce que le travail d’Aurore met en valeur, c’est la spontanéité de ces histoires opposées qui ce sont accordées malgré les qu’en-dira-t-on: “Ils tombent amoureux, ça leur tombe sur la gueule et ils n’ont pas le choix !” Finalement Makeda, c’est l’harmonie des antagonismes jusque dans la forme. Car pour illustrer un sujet très actuel, Aurore présente des portraits en noir et blanc, dans un style très académique:
“Je ne vois pas les choses de la même façon en couleur. »
La jeune femme, qui a travaillé comme chargée de projets à Magnum, est bercée par “une tradition du photojournalisme à l’ancienne, dans la vaine humaniste”. C’est après avoir quitté l’agence qu’elle s’est mise à rêver de ce grand projet. L’idée a germé à Beyrouth. Et depuis 2012, “Makeda a rythmé [sa] vie”, entre les commandes corporate et quelques piges régulières en freelance pour gagner son pain.
Aujourd’hui, la photographe ambitionne d’exposer Makeda dans chaque pays où les photos ont été prises. Elle rêve aussi d’éditer un beau livre. Et surtout de repartir à l’assaut d’autres sujets, d’autres histoires à raconter.
Pour en savoir plus
> Le site d’Aurore: www.aurorevinot.com
> Le tumblr du projet : photomakeda.tumblr.com
> Découvrez la chaîne YouTube du projet Makeda.
Illustration: Projet Makeda / © Aurore Vinot