La photographe française Lou-Anna Ralite construit des diptyques pensés comme des Haïku. Ses assemblages humoristiques invitent le regardeur à s’évader, tout en méditant sur les conséquences de ses actions.
Introspectives, les photographies de Lou-Anna Ralite éveillent les sens. Souvent abstraites et minimalistes, elles donnent à voir les matières, les détails de notre environnement, comme de brefs poèmes chargés d’émotion. « Le Haïku capture l’instant présent dans sa singularité et sa dimension éphémère. Il saisit la quintessence de l’ordinaire afin d’en faire émerger la part poétique. Cela rejoint complètement l’état d’esprit de ma démarche artistique », confie l’auteure, née en 1994. Privilégiant des mises en scène intimistes – les sujets de ses images sont toujours ses proches et non des modèles – la photographe donne à ses projets une dimension ludique. En jouant avec les évocations, les sensations, ou le médium en lui-même, elle construit un univers paisible, baigné par une lumière douce et coloré par des tons pastel. Un monde évoquant la douce chaleur du printemps. « L’image est également une manière pour moi de m’amuser avec les figures de style, poursuit-elle. La mise en abyme, la métaphore, la comparaison, la métonymie… Cela me permet de réinventer mes clichés, d’en révéler des détails cachés et de créer de nouveaux mystères. »
Des bulles d’évasion
Car Lou-Anna Ralite aime recomposer des diptyques à partir de photographies pensées comme des créations uniques. En faisant dialoguer ses images, des nouveaux sens, des concepts inédits émergent, et transcendent les œuvres. « Je confronte souvent une figure humaine ou animale à un lieu, un objet ou un élément naturel. Mes personnages, pensifs, le regard absent, associés à la puissance des éléments nous renseignent sur la portée existentielle de leurs questionnements », explique-t-elle. Parmi ces compositions, la « femme à l’escargot et le lampadaire diplodocus », soulignant la portée écologique de sa série. « La grimace de la modèle semble devenir une moquerie qui viserait l’image voisine. Elle dépeint l’espèce humaine qui se joue de la première extinction massive que la Terre ait connue. L’escargot qui rampe lentement sur son buste, au même titre que le lierre prolifère sur le lampadaire, laisse entrevoir le renversement qui s’opère, la nature qui reprend ses droits », explique l’artiste.
Un autre assemblage, celui d’un cygne et d’un sol craquelé, explore une autre figure de rhétorique – l’homophonie : « l’animal est l’un des premiers “cygnes” annonciateurs du réchauffement climatique », s’amuse l’artiste. À sa droite, les traces sur le goudron suggèrent la présence passée de l’eau, métaphore de sa prochaine raréfaction. Dans un climat anxiogène, où la liberté est rongée par la crise sanitaire, les diptyques de Lou-Anna Ralite se lisent finalement comme des bulles d’évasion, explorant, avec humour et poésie, les incohérences de notre monde. Un travail engagé, usant de plaisanterie pour placer l’humain face à ses propres contradictions.
© Lou-Anna Ralite