Nous avions découvert Juliette-Andrea Elie alors qu’elle remportait le prix Fotoprize 2015, grâce à sa série Fading Landscapes. La photographe expose à présent ses œuvres au Théâtre de la Cité internationale, et réalisera les affiches de sa saison. L’occasion de se (re)plonger dans son univers troublant et singulier. Cet article est à retrouver dans Fisheye #15.
Juliette-Andrea Elie nous invite à nous perdre dans des paysages organiques qu’elle recompose à loisir, convoquant la photographie, le dessin, la surimpression d’images, mais aussi des poètes, des philosophes ou des mathématiciens. Elle fait émerger un « monde des possibles » en collectant des impressions pour nous donner à voir l’apparition de formes. Souvent baignées d’une lumière diaphane et d’une atmosphère aquatique, ses images nous plongent dans une délicieuse rêverie, se connectent à notre mémoire et nous entraînent dans un voyage spatio-temporel.
Car les photographies de Juliette-Andrea Elie sont composées de plusieurs strates d’espace et de temps. Dans l’alchimie qu’elle a mise au point, l’artiste assemble différents clichés tirés sur un papier transparent dont elle embosse la surface à l’aide d’une pointe sèche. Creusant ainsi la feuille par-dessous, elle donne naissance à des figures géométriques tirées des carnets de Descartes, à des arabesques empruntées à l’imagerie orientale, ou à des chorégraphies imaginaires cartographiant un vol d’oiseaux. Puis elle y superpose d’autres feuilles – opaques, transparentes ou réfléchissantes –, ajustant ainsi une chromie délicate et vaporeuse qui, comme une brume délicate, enrobe le tout, et nous avec.
Un temps nécessaire
Ce processus lent et manuel induit un autre rapport au temps. Un temps plus lent que la prise de vue. Un temps nécessaire pour laisser flotter les images, avant de trouver celles qui s’associeront entre elles. « J’ai cherché à combiner mes photographies un peu comme le flux de la mémoire involontaire le fait, de manière trouble et incertaine », explique Juliette-Andrea. Toutes uniques, les images adoptent des formats singuliers selon la volonté de l’artiste. Ses poissons figés dans leur élément, où l’on devine parfois le tracé des rivières traversées embossé sur leur dos, se présentent comme des miniatures pour une lecture intimiste ; alors que certains paysages se déploient magistralement dans l’espace, offrant ainsi à notre regard une étendue rêveuse où il peut s’immerger. Une vision du paysage que l’artiste emprunte à la culture chinoise dans laquelle l’homme n’est pas déconnecté de son élément, à l’inverse de notre histoire de la représentation où la perspective inscrit une distance et un rapport individualiste. « Ce que je représente n’est pas ce qu’on voit, mais c’est le rapport entre les choses qu’on voit, qu’on a vues et qu’on pourrait voir », précise par ailleurs Juliette-Andrea.
Jusqu’au 20 décembre 2019
Théâtre de la Cité internationale
17 boulevard Jourdan, 75014 Paris
© Juliette-Andrea Elie