Jusqu’au 21 décembre, la Galerie Rouge à Paris expose Working the Photograph, monographie du photographe étasunien Kenneth Josephson. En utilisant une large palette de techniques, l’auteur a donné vie à une photographie conceptuelle, revisitant le réel par le prisme de l’ironie et de l’illusion.
Né en 1932, Kenneth Josephson est reconnu comme l’un des pionniers de la photographie conceptuelle étasunienne. Tout au long de sa carrière, il a donné vie à une œuvre à la fois complexe et accessible, portant une réflexion autour du médium photographique sans jamais tomber dans un langage rébarbatif ou austère. Les concepts de vérité et d’illusion sont au centre de sa recherche, emplie d’ironie et de surprises visuelles.
Par l’exposition Working the Photograph, ouverte jusqu’au 21 décembre, la Galerie Rouge revient sur le parcours de ce photographe novateur. Nous y découvrons alors tout l’éventail de techniques qu’il a déployées : de la photographie directe, aux expositions multiples, aux collages, en passant par l’utilisation de trompe-l’œil et l’introduction d’image dans l’image. Working the Photograph met ensemble plusieurs séries de l’artiste : An Exploration of the Multiple Image ; Images Within Images ; History of Photography Series ; Archeological Series, Marks and Evidences. Au-delà de l’inventivité technique dont il fait preuve dans ses premières œuvres, Kenneth Josephson suggère aussi qu’une image peut combiner plusieurs images et plusieurs sens. Ainsi, dans certaines de ces séries, il joue avec l’idée de la photo dans la photo : il insère dans une image des éléments externes (un mètre, un bâton) pour donner le sens de la perspective ; il immortalise une photographie dans une autre photographie (en positionnant une image de tronc d’arbre sur un tronc d’arbre, par exemple) ; il part à la recherche de traces d’un passé qui n’a pas réellement disparu. Au vu de ces expérimentations, l’historien Carl Chiarenza lui attribue les titres de « fabricant d’images par essence » et de « photographe de photographes ».
La photographie comme sujet et objet
Kenneth Josephson étudie la photographie au Rochester Institute of Technology auprès de Minor White et Beaumont Newhall. En 1958, il part à Chicago pour poursuivre ses études à l’Institute of Design de Chicago (ID). Un point de bascule s’opère alors dans son travail. Il est marqué par le caractère expérimental de l’enseignement d’Harry Callahan et Aaron Siskind. Il commence depuis à envisager la photographie comme sujet et objet. C’est grâce à son mémoire qu’il s’adonne à la réalisation de photographies multiples. Il approfondit ce concept à sa sortie de l’ID, en introduisant progressivement des photographies puis des cartes postales dans ces images (Images Within Images commencé dès 1963-1964). Au départ, il se limite à insérer des objets externes dans ses compositions. Puis, il n’hésite pas à y montrer son bras ou sa main brandissant une carte postale ou un ustensile.
L’insertion de son corps dans l’image devient alors « la marque du geste créateur et illusionniste du photographe. » Une façon de porter un discours méta sur sa création tout en fusionnant ce discours avec la création elle-même. Bien qu’il explore des concepts, le photographe ne s’éloigne pas du tirage photographique classique. Ainsi, l’aspect illusionniste du visuel est transformé pour devenir une réflexion concrète sur l’objet photographique. « Celui qui regarde une image de Josephson ne peut être passif, il doit de fait observer, questionner, commenter, s’enthousiasmer, rire de l’image proposée, explique Carl Chiarenza. De la même manière que Siskind est souvent associé à des peintres plus qu’à des photographes, Josephson est identifié aujourd’hui à des artistes conceptuels plutôt qu’à des photographes. Ils refusent pourtant tous les deux de se retirer du monde de la représentation. »