Kenneth Josephson : fabricant d’images par essence

26 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Kenneth Josephson : fabricant d’images par essence
© Kenneth Josephson
© Kenneth Josephson
© Kenneth Josephson
© Kenneth Josephson

Jusqu’au 21 décembre, la Galerie Rouge à Paris expose Working the Photograph, monographie du photographe étasunien Kenneth Josephson. En utilisant une large palette de techniques, l’auteur a donné vie à une photographie conceptuelle, revisitant le réel par le prisme de l’ironie et de l’illusion.

Né en 1932, Kenneth Josephson est reconnu comme l’un des pionniers de la photographie conceptuelle étasunienne. Tout au long de sa carrière, il a donné vie à une œuvre à la fois complexe et accessible, portant une réflexion autour du médium photographique sans jamais tomber dans un langage rébarbatif ou austère. Les concepts de vérité et d’illusion sont au centre de sa recherche, emplie d’ironie et de surprises visuelles.

Par l’exposition Working the Photograph, ouverte jusqu’au 21 décembre, la Galerie Rouge revient sur le parcours de ce photographe novateur. Nous y découvrons alors tout l’éventail de techniques qu’il a déployées : de la photographie directe, aux expositions multiples, aux collages, en passant par l’utilisation de trompe-l’œil et l’introduction d’image dans l’image. Working the Photograph met ensemble plusieurs séries de l’artiste : An Exploration of the Multiple Image ; Images Within Images ; History of Photography Series ; Archeological Series, Marks and Evidences. Au-delà de l’inventivité technique dont il fait preuve dans ses premières œuvres, Kenneth Josephson suggère aussi qu’une image peut combiner plusieurs images et plusieurs sens. Ainsi, dans certaines de ces séries, il joue avec l’idée de la photo dans la photo : il insère dans une image des éléments externes (un mètre, un bâton) pour donner le sens de la perspective ; il immortalise une photographie dans une autre photographie (en positionnant une image de tronc d’arbre sur un tronc d’arbre, par exemple) ; il part à la recherche de traces d’un passé qui n’a pas réellement disparu. Au vu de ces expérimentations, l’historien Carl Chiarenza lui attribue les titres de « fabricant d’images par essence » et de « photographe de photographes ».

La photographie comme sujet et objet

Kenneth Josephson étudie la photographie au Rochester Institute of Technology auprès de Minor White et Beaumont Newhall. En 1958, il part à Chicago pour poursuivre ses études à l’Institute of Design de Chicago (ID). Un point de bascule s’opère alors dans son travail. Il est marqué par le caractère expérimental de l’enseignement d’Harry Callahan et Aaron Siskind. Il commence depuis à envisager la photographie comme sujet et objet. C’est grâce à son mémoire qu’il s’adonne à la réalisation de photographies multiples. Il approfondit ce concept à sa sortie de l’ID, en introduisant progressivement des photographies puis des cartes postales dans ces images (Images Within Images commencé dès 1963-1964). Au départ, il se limite à insérer des objets externes dans ses compositions. Puis, il n’hésite pas à y montrer son bras ou sa main brandissant une carte postale ou un ustensile.

L’insertion de son corps dans l’image devient alors « la marque du geste créateur et illusionniste du photographe. » Une façon de porter un discours méta sur sa création tout en fusionnant ce discours avec la création elle-même. Bien qu’il explore des concepts, le photographe ne s’éloigne pas du tirage photographique classique. Ainsi, l’aspect illusionniste du visuel est transformé pour devenir une réflexion concrète sur l’objet photographique. « Celui qui regarde une image de Josephson ne peut être passif, il doit de fait observer, questionner, commenter, s’enthousiasmer, rire de l’image proposée, explique Carl Chiarenza. De la même manière que Siskind est souvent associé à des peintres plus qu’à des photographes, Josephson est identifié aujourd’hui à des artistes conceptuels plutôt qu’à des photographes. Ils refusent pourtant tous les deux de se retirer du monde de la représentation. »

© Kenneth Josephson
© Kenneth Josephson
© Kenneth Josephson
À lire aussi
Us : Le road trip d’Arno Brignon au cœur d’un « territoire de l’absence »
© Arno Brignon / Signatures
Us : Le road trip d’Arno Brignon au cœur d’un « territoire de l’absence »
À Toulouse, au cœur de la Galerie du Château d’Eau, Arno Brignon dévoile les images de Us, un road trip photographique au cœur de…
01 février 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Roadtrip sensoriel aux États-Unis
Roadtrip sensoriel aux États-Unis
Photographe habitué des voyages, André Terras Alexandre a photographié, durant deux semaines, les paysages de l’Ouest américain. Un…
18 février 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Made in Chicago » : les horizons de la modernité
« Made in Chicago » : les horizons de la modernité
Jusqu’au 21 janvier 2023, la Galerie Rouge présente Made in Chicago, une traversée documentaire et expérientielle dans les rues de la…
21 novembre 2022   •  
Écrit par Ana Corderot

Explorez
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
© Rhoda Tchokokam
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman, nos coups de cœur de la semaine, redonnent vie à des fragments d’existence. La première les...
06 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu'un pour retrouver les autres
© Boris Binceletto
Raï de Boris Bincoletto : oublier quelqu’un pour retrouver les autres
Après Solemar, son premier livre photographique qui explorait la côte Adriatique, Boris Binceletto sort Raï, qui se situe entre la...
17 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
© Eloïse Labarbe-Lafon
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
Composé d’une quarantaine de portraits pris dans des chambres durant un road trip, Motel 42 d’Eloïse Labarbe-Lafon s’impose comme un...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
© Marie Le Gall
Marie Le Gall : photographier un Maroc intime
Absente depuis vingt ans, lorsque Marie Le Gall retourne enfin au Maroc, elle découvre un territoire aussi étranger que familier....
22 novembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
© Mark Mahaney
Fisheye #69 : éveiller les soupçons
En ce début d’année, Fisheye éveille la curiosité qui sommeille en nous en consacrant son premier numéro de 2025 à une thématique...
08 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
© Theresa Maria / Instagram
La sélection Instagram #488 : étoffe caméléon
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine jouent avec le grain, dansent avec les mailles, ou impriment des images sur des...
07 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
© Rhoda Tchokokam
Les coups de cœur #526 : Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman
Rhoda Tchokokam et Emmanuelle Firman, nos coups de cœur de la semaine, redonnent vie à des fragments d’existence. La première les...
06 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La première rétrospective de Corinne Vionnet est à découvrir au musée de Pont-Aven
© Corinne Vionnet
La première rétrospective de Corinne Vionnet est à découvrir au musée de Pont-Aven
Le musée de Pont-Aven accueille l’exposition Écran total de Corinne Vionnet. Il s'agit de la première rétrospective de l’artiste...
04 janvier 2025   •  
Écrit par Costanza Spina