
Dans son livre Porcelain and Wool, Kincső Bede se réapproprie son identité transverse par des objets, des lieux et des tissus de la Transylvanie, en Roumanie. De ce fait, elle compose un récit propre à sa génération, tout en cherchant à mieux comprendre celle de ses parents.
« Naître dans une minorité, en tant que Hongroise székely en Transylvanie, est à la fois une malédiction et une bénédiction. Cela fait partie intégrante de votre personnalité et, dans mon travail, j’examine la nature de cette dualité », introduit Kincső Bede. La photographe, formée à l’école MOME de Budapest, entretient une relation particulière avec son héritage familial et sociétal, fait de contradictions culturelles, mais aussi d’attentes patriotiques complexes. Bien qu’elle fasse aujourd’hui partie de la Roumanie, la Transylvanie conserve une forte présence hongroise – la région était un des territoires de l’Empire austro-hongrois jusqu’à la Première Guerre mondiale. Kincső Bede réinterprète dans ses images monochromes les traumatismes, la honte, les mauvais souvenirs liés aux tensions invisibles qui régissent son identité transverse. Ne pas savoir parler couramment le roumain étant enfant, être forcée par ses parents de porter des habits populaires székely ou de chanter des chansons folkloriques… Un moyen de vivre à travers elle et son frère l’identité hongroise réprimée sous l’ère communiste. « Je me photographie souvent avec des costumes traditionnels, confie l’artiste. Le médium me permet de transformer ces éléments de ma vie en quelque chose de positif, de leur donner un nouveau sens, afin que je ne ressente plus de honte. »



« Mon corps véhicule les messages »
Dans son livre Porcelain and Wool, fruit de six ans d’exploration créative et paru en 2024, la photographe compile des miniséries où elle se met fréquemment en scène. « J’ai réalisé que mes photos fonctionnent simplement parce que j’en suis le sujet. Je possède cette connaissance, je porte en moi ces secrets et douleurs qui méritent d’être montrés. J’ai la capacité de les exprimer et de les résoudre à travers mes images. J’ai découvert que mon corps, mon visage, mon être véhiculaient des messages, et que je devais m’en servir », remarque-t-elle. C’est ainsi qu’elle se hisse en représentante de sa génération, celle qui n’a ni connu la guerre, ni le régime communiste, mais qui vit dans les séquelles laissées par la dictature de Nicolae Ceaușescu. « Dans mes photos, j’essaie de briser les murs qui se sont érigés entre les générations et de composer des espaces empathiques, où, informée par l’histoire, je peux comprendre quelque chose sur ma famille et sur moi-même. »
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #74.





160 pages, 55 €

7,50 €