L’amour pixelisé de Sonia Hamza

17 juin 2023   •  
Écrit par Cassandre Thomas
L’amour pixelisé de Sonia Hamza

Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Dans Chant de laine, Sonia Hamza présente des portraits brodés de son ex-compagnon japonais issus de leurs appels vidéos. En liant ses passions pour la photo et la mode, l’artiste franco-marocaine livre un récit créatif et intime sur les frontières de l’amour. À découvrir jusqu’au 30 juin 2023 dans les cimaises arlésiennes de la Galerie Omnius.

Ancienne étudiante de mode à l’école Duperré, Sonia Hamza s’initie à la photographie tous les samedis matin grâce à un atelier proposé par l’établissement parisien. « J’ai appris à développer mes négatifs dans ce petit laboratoire. Par la suite, j’ai beaucoup utilisé le médium afin d’illustrer mes collections, trouver des idées, des thèmes, des ambiances ou des motifs », se remémore la photographe franco-marocaine installée à Paris. Le 8e art s’immisce alors de plus en plus dans son quotidien. À l’instar de ses lunettes, elle chausse son appareil photo pour cibler des détails et mieux voir comment le monde fonctionne. Son projet Chant de laine mêle l’art minutieux de la broderie à des visuels capturés de conversations Skype. Une pelote artistique où les médiums s’entrelacent pour conter une histoire d’amour pas comme les autres. 

En 2012, l’artiste s’envole trois mois au Japon pour rencontrer la famille de Sato (nom d’emprunt), l’homme dont elle est éperdument tombée amoureuse, dans l’objectif de partir y vivre. Mais, tout ne se passera pas comme prévu… « Plus je rentrais dans l’intimité de la famille et plus je comprenais que je n’y aurais jamais ma place. Puis, mon visa se terminait. Je voulais fuir toute cette pression, sans me retourner. En rentrant en France, je me suis promis de faire ce que je souhaitais au plus profond de mon coeur et cela sans plus attendre. La vie est trop courte et la société peut la rendre si contraignante et déprimante », constate la photographe.

© Sonia Hamza

Une prouesse introspective 

À la suite de ce voyage, Sonia Hamza continue à converser tous les jours avec Sato par Skype. La connexion étant mauvaise, son bien aimé apparaissait de manière déformée et pixelisée. Au fil des appels vidéos, l’artiste réalise des captures d’écran afin de collecter ces portraits que la distance a inconsciemment altérés, à l’image de leur complicité. « Quelques semaines après, nous avons eu une terrible dispute et notre histoire s’est terminée », confie-t-elle. Une sorte de fascination nait alors pour la photographe qui commence à imaginer chaque pixel en un point de broderie. À la manière de ses créations de prêt-à-porter, elle convertit les portraits en points de croix à l’aide de logiciels de couture. Neuf œuvres, au total, ont été réalisées, « comme le nombre de mois de [leur] relation amoureuse ».

De fil en aiguille, les expressions du visage de Sato apparaissent sur les toiles de l’artiste. Au minimum, un mois à temps plein lui a été nécessaire pour confectionner un portrait. « J’avais le sentiment de développer mes photos, avec un procédé ancien et d’une lenteur extrême. Je me sentais comme Pénélope, mais je n’attendais plus mon Ulysse », métaphorise-t-elle. Véritable introspection et prouesse artistique colossale, Chant de laine incarne surtout un projet salutaire, qui a permis à sa créatrice de se reconstruire et prendre confiance en elle. 

 

Chant de laine se dévoile jusqu’au 30 juin 2023 à la Galerie Omnius à Arles. 

© Sonia Hamza © Sonia Hamza © Sonia Hamza © Sonia Hamza

© Sonia Hamza

Explorez
La sélection Instagram #532 : dans les méandres de la mémoire
© celluloidjournal / Instagram
La sélection Instagram #532 : dans les méandres de la mémoire
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine sondent les mystères de la mémoire. Ils et elles exhument les souvenirs qui...
11 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #565 : Jeanne Narquin et Émilie Brécard
© Jeanne Narquin
Les coups de cœur #565 : Jeanne Narquin et Émilie Brécard
Jeanne Narquin et Émilie Brécard, nos coups de cœur de la semaine, s’intéressent toutes les deux à la féminité. La première photographie...
10 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
© Carline Bourdelas / Planches Contact Festival
L’intimité au cœur de Planches Contact Festival 2025
Jusqu’au 4 janvier 2026, la 16e édition de Planches Contact Festival anime Deauville et propose une diversité de regards sur un même...
08 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
© Charlotte Abramow
5 questions à Charlotte Abramow : le souvenir de Maurice
Sept ans après la publication de son ouvrage Maurice, tristesse et rigolade, Charlotte Abramow rouvre les pages de l’histoire de son...
03 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Paris Photo 2025 : les incontournables de cette édition
3 of Cups, de la série This Happened To You, 2025 © Atong Atem, courtesy Mars Gallery
Paris Photo 2025 : les incontournables de cette édition
Pour son édition 2025, la foire internationale Paris Photo transforme une nouvelle fois le Grand Palais en boulevard incontournable du 8e...
14 novembre 2025   •  
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
© Suwon Lee, Pico Bolívar I, 2025 / Courtesy of Sorondo Projects
Paris Photo 2025 : atteindre sa montagne intérieure avec Suwon Lee
Présentée cette année par Sorondo Projects (Barcelone) à Paris Photo, la série The Sacred Mountain de Suwon Lee raconte une quête...
14 novembre 2025   •  
Écrit par Milena III
Yves Samuel : Objets en résistance
© Yves Samuel courtesy CLAIRbyKhan
Yves Samuel : Objets en résistance
Dix ans après les attentats perpétrés à Paris en novembre 2015, le photographe Yves Samuel publie aux Éditions Fisheye un livre tout en...
13 novembre 2025   •  
Écrit par Eric Karsenty
La précieuse fragilité selon le festival FLOW#1
Les Fossiles du futur, Synesthésies océaniques © Laure Winants, Fondation Tara Océan
La précieuse fragilité selon le festival FLOW#1
Du 20 septembre au 30 octobre 2025 s’est tenue la première édition de FLOW, un parcours culturel ambitieux imaginé par The Eyes...
13 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche