Le chant des sirènes : les artistes racontent l’eau à la Villa Médicis

11 octobre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Le chant des sirènes : les artistes racontent l’eau à la Villa Médicis
© Madison Bycroft
© Kusukazu Uraguchi
© Simone Fattal

Pour son exposition d’automne, l’Académie de France à Rome – Villa Médicis propose un voyage autour du thème de l’eau à travers les œuvres de près de 30 artistes contemporain·es. La sirène, être mythologique, nous accompagne tout au long du parcours, jusqu’au 13 janvier 2025.

L’eau, source de vie, est aujourd’hui plus précaire et exploitée que jamais. Sa pollution comme son gaspillage sont des symboles criants de l’hubris du capitalisme contemporain et la crise écologique en cours. Alors qu’elle est l’objet de toute convoitise, l’eau demeure néanmoins mystérieuse : ses abysses restent moins connus et explorés que la Lune. L’eau a de particulier qu’elle est à la fois élément et ressource et se présente sous une quantité impressionnante de formes : pluies, mers, perles, rosée, ruisseaux, nuages, brouillard et larmes.

Sous le commissariat de Caroline Courrioux et Sam Stourdzé, la Villa Médicis à Rome présente l’exposition Le chant des sirènes. L’eau racontée par les artistes. Ce parcours s’insère dans la continuité d’une réflexion plus vaste activée par l’Académie de France autour des éléments et fait suite à Histoire de pierres (2023). Depuis Rome, où l’eau semble éternelle, l’exposition rassemble les œuvres de près de 30 artistes contemporain·es internationaux·les, dont 10 pièces commissionnées spécialement pour l’occasion. Au cœur de cette curation, la figure de la sirène a une fonction de guide, à la fois bienveillant et monstrueux, au sein de mondes marins inconnus, routes de navigation, civilisations englouties et lieux de métamorphose.

La sirène, symbole d’un avenir

L’exposition s’accompagne d’un catalogue co-publié par les éditions Empire et la Villa Médicis. La philosophe écoféministe Myriam Bahaffou signe certains des textes présents dans la publication et revient sur la figure de la sirène. « Les sirènes font partie de notre histoire féministe, et perdre de vue cette appartenance nous amène à les considérer sans les corréler au genre, à l’espèce, la race, l’humanité, (…), explique-t-elle. Les sirènes nous forcent à porter attention à la question du devenir, à celle de la vie en filets d’eau qui rendent le monde perméable et connecté, hors de tout fantasme de purification totale. »

Selon l’autrice, la sirène incarne une possibilité d’avenir, un projet politique, artistique, académique et éthique. Il s’agirait, selon sa perspective, de « devenir-sirènes (…) au temps de nos écologies tragiques. » L’eau peut alors se transformer en une inspiration pour envisager nos futurs et « la réinvention du sujet » dans un temps incertain qui nous renvoie à des imaginaires de fin du monde. En suivant le cycle de l’eau et ses variations d’état, les artistes s’emparent de sa représentation. Iels en explorent les enjeux politiques et s’adonnent à la quête métaphorique de la source. Repenser le monde fluide, en ruisselant et en se muant sans cesse en des êtres nouveaux : c’est la promesse de cette exposition qui convoque autant l’urgence politique que la nécessité du magique.

© Emilija Skarnulyte
© Monira-Al-Qadiri
À lire aussi
La vitalité des ama se diffuse dans le langage visuel d'Uraguchi Kusukazu
© Uraguchi Kusukazu. Au large, 1974. Avec l’aimable autorisation d’Uraguchi Nozomu.
La vitalité des ama se diffuse dans le langage visuel d’Uraguchi Kusukazu
Des photographies inédites de la monumentale archive d’Uraguchi Kusukazu prennent vie aux Rencontres d’Arles. Le photographe japonais a…
04 juillet 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
« The Fall »  : marées noires et sirène libre
« The Fall » : marées noires et sirène libre
Né de la rencontre entre la musicienne électronique Alexi Shell et le talent du vidéaste Florent Augizeau épaulé par Lola Margrain, le…
01 février 2023   •  
Écrit par Milena III
Marine Lanier : Touché par le fond
© Marine Lanier
Marine Lanier : Touché par le fond
Sur une île déserte, un homme avance, perdu dans sa marche solitaire, son regard vers l’horizon. Au détour…
13 juillet 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas

Explorez
Florescence : Étienne Francey cultive son jardin imaginaire
Croissant de lune © Etienne Francey
Florescence : Étienne Francey cultive son jardin imaginaire
La Fisheye Gallery accueille le jardin imagé du photographe suisse Étienne Francey du 6 mars au 5 avril 2025. Intitulée Florescence...
01 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Le PhotoVogue Festival 2025 met la photographie de mode au service de la nature 
© Fee Gloria Groenemeyer
Le PhotoVogue Festival 2025 met la photographie de mode au service de la nature 
Du 6 au 9 mars 2025, le PhotoVogue Festival présentera sa 9e édition à Milan. Fidèle à son approche de la photographie de mode...
27 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #495 : lumière du jour
© Karin Noguchi / Instagram
La sélection Instagram #495 : lumière du jour
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine poursuivent le rayon lumineux du soleil. Celui qui aveugle, celui qui réchauffe...
25 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Aude Osnowycz dépeint une jeunesse queer et combattante en Géorgie
Andro Dadiani de la série Georgia : youth on the front line © Aude Osnowycz
Aude Osnowycz dépeint une jeunesse queer et combattante en Géorgie
À l’aune des élections présidentielles en Géorgie, la photojournaliste Aude Osnowycz met en lumière une jeunesse queer et engagée...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Photographie post-mortem : pont sensible entre vivant·es et défunt·es
© Hervé Bohnert. Exposition Les Immortels à la librairie Alain Brieux, photographe non identifié, sans titre, vers 1860.
Photographie post-mortem : pont sensible entre vivant·es et défunt·es
Le livre Posthume rassemble une centaine de clichés de défunt·es et d’objets funéraires issus de la collection de l’artiste Hervé...
06 mars 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Fisheye x La Poste : les noms des trois lauréats viennent d’être révélés !
© Alexis Barbe
Fisheye x La Poste : les noms des trois lauréats viennent d’être révélés !
La Poste vient de révéler les noms des trois lauréats de son grand concours. Celui-ci invitait les photographes à immortaliser leur...
05 mars 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
François Prost : cartographie japonaise des temples de l'amour
Love Hotel © François Prost
François Prost : cartographie japonaise des temples de l’amour
François Prost décline une collection photographique de façades kitsch et extravagantes des love hotels, lieux de plaisir charnel...
05 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger