Julie Gough, Priyadarshini Ravichandran et Felipe Romero Beltrán sont les lauréat·es 2024 du Prix pour la photographie du musée du quai Branly – Jacques Chirac. Le souvenir et les expériences personnelles infusent dans leurs projets artistiques nécessitant des études approfondies.
Le musée du quai Branly – Jacques Chirac se démarque par sa riche collection de photographies anciennes et contemporaines en provenance de toutes les régions du monde représentées par l’institution. Dans l’optique d’alimenter sa collection et de soutenir la création contemporaine internationale, le musée propose, depuis 16 ans, des Résidences photographiques. Ce programme a permis d’enrichir la collection du musée de 44 travaux photographiques traitants de sujet sociétaux allant de l’écologie à la mémoire post-coloniale en passant par la crise migratoire.
En 2022, la formule a évolué pour devenir le Prix pour la photographie du musée du quai Branly – Jacques Chirac. Doté de 30 000 euros, il récompense chaque année trois artistes parmi une longue liste de candidat·es venant du monde entier, pour la réalisation d’un projet créatif à destination de la collection du quai Branly. Pour cette nouvelle édition, le jury international, composé de professionnel·les de la culture et de l’art, a posé son regard sur les travaux de Julie Goug, de Priyadarshini Ravichandran et de Felipe Romero Beltrán. Les trois artistes examinent leurs territoires – respectivement l’Australie, l’Inde et la Colombie – par le prisme d’histoires qui leur sont propres et où résonne un besoin de mémoire.
Une recherche permanente
Raconter son histoire et a posteriori celle de sa communauté. Voilà ce qui guide les trois lauréat·es qui n’hésitent pas à associer au médium photographique, la casquette de chercheur·se. Pour Felipe Romero Beltrán, la méthode est familière puisqu’il est titulaire d’un doctorat en Photographie. L’auteur colombien, installé à Paris, dévoile ainsi, tel un historien, l’urbanisation de masse qu’a subie son pays de naissance durant les années 1970 à travers les souvenirs imagés de sa famille. Son projet Páramo : Familia est une manière de recadrer nos propres expériences et notre relation aux histoires passées et oubliées.
Priyadarshini Ravichandran explore, elle, les récits de femmes. Avec CUSP, elle mène une enquête presque académique sur leurs corps et les changements causés par les menstruations. Sa photographie est alimentée de littérature indienne, de sources scientifiques, de mythes et d’échanges avec des professionnel·les de la santé. Ses recherches lui permettent de retranscrire en un langage imagé les sensations intérieures ressenties lors de chaque phase du cycle menstruel.
Quant à Julie Gough, elle « se considère comme une détective ». Son projet pluridisciplinaire The search, fait de photographies, de vidéos et d’installations, est ancrée dans l’histoire de sa famille aborigène de Tasmanie. Elle cherche ou découvre des objets culturels tasmaniens dissimulés à travers des collections d’art, dont les photographies de bustes de personnes aborigènes de Tasmanie, prises au 19ᵉ siècle par Jacques-Philippe Potteau, et conservées au quai Branly. Elle explore ainsi, à travers des expériences émotionnelles et immédiates, l’éphémère, l’absence et la récurrence. Elle conclut par une phrase qui fait écho aux projets des trois lauréat·es : « La recherche est permanente et le travail consiste à donner un sens à la confusion dont nous avons hérité. »