Dans des approches qui leur sont propres, Carla Lesueur et Thor Emiroglu, nos coups de cœur de la semaine, créent à partir des émotions et des souvenirs. La première compose un monde onirique et poétique, tandis que le second esquisse une narration de notre époque.
Carla Lesueur
Anciennement portraitiste, Carla Lesueur a progressivement délaissé cette première approche afin de se consacrer à la photographie de paysage. La jeune artiste, adepte d’un monochrome granuleux et chimérique, inscrit son œuvre récente dans la notion de fantastique telle que théorisée par Tzevtan Todorov, en tant qu’il réside dans l’hésitation qu’il produit entre surnaturel et naturel, possible et impossible, rationnel et irrationnel. S’y retrouvent deux constantes de son travail : les êtres et leur territoire. « J’ai fouillé dans mes archives de paysages situés en bord de mer, et avec le travail du tirage argentique, de la superposition ainsi que beaucoup d’expérimentations en post-production, je suis venue modifier l’imaginaire classique de l’horizon balnéaire, en venant y ajouter des éléments que l’on pourrait qualifier d’illogiques ou d’absurdes », explique-t-elle. Cette démarche lui permet d’interroger le pouvoir du 8e art pour représenter le réel, et de mettre en lumière les rapports entre celui-ci et la puissance du souvenir. L’évocation et la réalité, des idées a priori antinomiques, viennent s’associer dans un univers parallèle et mystique, inspiré des contes féériques.
Thor Emiroglu
« Lorsque je prends des photos, je m’inspire de la façon dont mes souvenirs deviennent des rêves d’avenir, tandis que les amitiés et les relations saisissent notre époque. J’aime rassembler ces différents moments – passés, présents et futurs – et en tirer des enseignements. Chaque image m’aide à réfléchir et à mieux appréhender ma vie », explique Thor Emiroglu. Âgé de 19 ans, le jeune artiste baigne dans la création depuis l’enfance. Ses parents, officiant eux-mêmes dans cette industrie, lui ont transmis leur passion ainsi qu’une importante éducation culturelle et technique. « Dès mon plus jeune âge, j’ai acquis une expérience pratique en assistant mon père, photographe de mode, dans son travail, ce qui m’a permis de développer une profonde compréhension du métier. Par ailleurs, le fait d’avoir vu ma mère devenir plus tard photographe plasticienne m’a inspiré et a enrichi mon point de vue », reconnaît-il. Puisant dans son imagination et ses impressions des autres, il privilégie une approche intuitive, axée sur les émotions, les mouvements du corps et les jeux de lumière qui le captivent. « [Tous ces éléments] ajoutent de la profondeur et de la narration à mes tirages », assure-t-il.