Jusqu’au 20 décembre 2023, la galerie Les Filles du Calvaire accueille les expositions de Lore Stessel et Katrien de Blauwer. Dans des approches distinctes, les photographes conjuguent les arts pour donner à voir une narration en mouvement.
Cet automne, la galerie Les Filles du Calvaire orne ses murs de deux séries monochromes pour l’essentiel : celles de Lore Stessel et de Katrien de Blauwer. Outre ce nuancier, les photographes ont en commun un attrait pour les arts, qu’elles concilient afin de célébrer le mouvement. La première, à l’origine de Vague, rend compte de sa rencontre avec des danseuses et danseurs de Bruxelles. Dans Why I Fear Red, Love Blue (and) Hate Yellow, la seconde s’intéresse quant à elle à ce cinéma d’auteur qui l’inspire tant, et augmente ses collages raffinés de quelques éclats de couleurs, apposés par la suite par ses soins. Dans cet élan poétique qui les caractérise, chacune d’elles file une narration singulière, que celui ou celle qui contemple se plaît à deviner au gré des compositions découvertes.
Des narrations latentes
Ce sont les œuvres de Lore Stessel qui ouvrent le bal. Dans des toiles pailletées brillent les corps en mouvement, vêtus de tenues de sport faites d’étoffes souples. Les visages, souvent détournés de l’objectif, font ainsi la part belle à une constellation de gestes qui, dans leur ensemble, forment une géométrie nouvelle, sans cesse renouvelée. « Je n’ai pas parcouru le monde à la recherche de l’inconnu, mais j’ai zoomé et trouvé la beauté dans les petits changements qui peuvent impliquer de grands bouleversements », explique la photographe. Cet art de la composition, révélée sur châssis, n’est d’ailleurs pas sans rappeler la peinture qu’elle a étudiée avant son passage à l’ENS d’Arles. À l’image, l’émotion fugace, d’abord apparue dans la chambre noire, se diffuse avec délicatesse dans la salle d’exposition jusqu’à rendre compte, de bien des façons, de la « multiplicité subtile des sentiments ».
À l’étage, les créations de Katrien de Blauwer prolongent la diversité de ces états. Là-bas, le rouge traduit la peur tandis que le bleu suggère l’amour. Le jaune, quant à lui, cristallise la haine. « On pourrait considérer mon travail comme une chaîne de coïncidences », précise celle que l’on a coutume de surnommer « la photographe sans appareil ». Nous nous retrouvons ainsi au cœur d’une réalité qui n’est pas la nôtre, où des silhouettes sans visages s’expriment par traits de couleur, esquissés d’un geste rapide. Ceux-ci racontent ou profèrent les récits muets, pareils à des pages arrachées d’un quotidien dont ils sont les seuls guides. Les nuages vaporeux, les miroirs découpés, quelques mots à la graphie fine, en suspens, sont autant d’éléments qui complètent ces narrations latentes, tirées de magazines et journaux des années 1960. Seule la mémoire demeure alors, des souvenirs étrangers et ceux qui nous appartiennent, qui peuplent notre imaginaire, et que nous projetons désormais sur ces fragments disparates.