Lore Stessel et Katrien de Blauwer : l’art d’un récit en mouvement

23 novembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Lore Stessel et Katrien de Blauwer : l’art d’un récit en mouvement
Frank Gizycki #01, 2021 © Store Stessel
Why I fear red, Love Blue (and) Hate yellow, Red, 2022 © Katrien de Blauwer

Jusqu’au 20 décembre 2023, la galerie Les Filles du Calvaire accueille les expositions de Lore Stessel et Katrien de Blauwer. Dans des approches distinctes, les photographes conjuguent les arts pour donner à voir une narration en mouvement.

Cet automne, la galerie Les Filles du Calvaire orne ses murs de deux séries monochromes pour l’essentiel : celles de Lore Stessel et de Katrien de Blauwer. Outre ce nuancier, les photographes ont en commun un attrait pour les arts, qu’elles concilient afin de célébrer le mouvement. La première, à l’origine de Vague, rend compte de sa rencontre avec des danseuses et danseurs de Bruxelles. Dans Why I Fear Red, Love Blue (and) Hate Yellow, la seconde s’intéresse quant à elle à ce cinéma d’auteur qui l’inspire tant, et augmente ses collages raffinés de quelques éclats de couleurs, apposés par la suite par ses soins. Dans cet élan poétique qui les caractérise, chacune d’elles file une narration singulière, que celui ou celle qui contemple se plaît à deviner au gré des compositions découvertes.

Poetry of the gang #07, 2022 © Lore Stesel

Des narrations latentes

Ce sont les œuvres de Lore Stessel qui ouvrent le bal. Dans des toiles pailletées brillent les corps en mouvement, vêtus de tenues de sport faites d’étoffes souples. Les visages, souvent détournés de l’objectif, font ainsi la part belle à une constellation de gestes qui, dans leur ensemble, forment une géométrie nouvelle, sans cesse renouvelée. « Je n’ai pas parcouru le monde à la recherche de l’inconnu, mais j’ai zoomé et trouvé la beauté dans les petits changements qui peuvent impliquer de grands bouleversements », explique la photographe. Cet art de la composition, révélée sur châssis, n’est d’ailleurs pas sans rappeler la peinture qu’elle a étudiée avant son passage à l’ENS d’Arles. À l’image, l’émotion fugace, d’abord apparue dans la chambre noire, se diffuse avec délicatesse dans la salle d’exposition jusqu’à rendre compte, de bien des façons, de la « multiplicité subtile des sentiments »

CY #01, 2021 © Lore Stessel
CC#03, 2023 © Lore Stessel
Slow Fusion #06, 2020 © Lore Stessel
Why I fear red, Love Blue (and) Hate yellow, Yellow, 2022 © Katrien de Blauwer

À l’étage, les créations de Katrien de Blauwer prolongent la diversité de ces états. Là-bas, le rouge traduit la peur tandis que le bleu suggère l’amour. Le jaune, quant à lui, cristallise la haine. « On pourrait considérer mon travail comme une chaîne de coïncidences », précise celle que l’on a coutume de surnommer « la photographe sans appareil ». Nous nous retrouvons ainsi au cœur d’une réalité qui n’est pas la nôtre, où des silhouettes sans visages s’expriment par traits de couleur, esquissés d’un geste rapide. Ceux-ci racontent ou profèrent les récits muets, pareils à des pages arrachées d’un quotidien dont ils sont les seuls guides. Les nuages vaporeux, les miroirs découpés, quelques mots à la graphie fine, en suspens, sont autant d’éléments qui complètent ces narrations latentes, tirées de magazines et journaux des années 1960. Seule la mémoire demeure alors, des souvenirs étrangers et ceux qui nous appartiennent, qui peuplent notre imaginaire, et que nous projetons désormais sur ces fragments disparates.

Why I fear red, Love Blue (and) Hate yellow, Red, 2022 © Katrien de Blauwer
Why I fear red, Love Blue (and) Hate yellow, Yellow, 2022 © Katrien de Blauwer
Why I fear red, Love Blue (and) Hate yellow, Blue, 2022 © Katrien de Blauwer
© Lore Stessel
Why I fear red, Love Blue (and) Hate yellow, Yellow, 2022 © Katrien de Blauwer
À lire aussi
Collages surréalistes : les identités florissantes d’Anna Bu Kliewer
Collages surréalistes : les identités florissantes d’Anna Bu Kliewer
Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Installée à Londres, l’artiste ukrainienne Anna Bu Kliewer crée de…
11 février 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Viviane Sassen à la MEP : mode couleurs
© Viviane Sassen / Courtesy of MEP
Viviane Sassen à la MEP : mode couleurs
Jusqu’au 11 février 2024, Viviane Sassen s’expose à la Maison européenne de la photographie à l’occasion d’une rétrospective d’envergure….
02 novembre 2023   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
À la Bourse de commerce, Deana Lawson suscite la réflexion
Bendy, 2019. Pinault Collection. © Deana Lawson / courtesy de l’artiste et de David Kordansky Gallery
À la Bourse de commerce, Deana Lawson suscite la réflexion
Jusqu’au 25 août 2025, la Bourse de commerce, à Paris, accueille la première exposition monographique de Deana Lawson en France. Sur les...
06 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
The Journey Home from School © Laura Pannack, United Kingdom, Winner, Professional competition, Perspectives, Sony World Photography Awards 2025.
Sony World Photography Awards 2025 : Photographier le déni, documenter les résistances
Des corps qui chutent, des trajectoires contrariées, des espaces repris de force… Et si la photographie était un langage de reconquête ?...
10 mai 2025   •  
Écrit par Anaïs Viand
Marion Gronier, la folie et le regard
© Marion Gronier, Quelque chose comme une araignée / Courtesy of the artist and Prix Caritas Photo Sociale
Marion Gronier, la folie et le regard
Pendant deux ans, Marion Gronier a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Sans jamais montrer de visages, elle...
09 mai 2025   •  
Écrit par Milena III
Anouk Durocher : portrait d'une révolution intime
© Anouk Durocher
Anouk Durocher : portrait d’une révolution intime
Nous avons posé quelques questions à Anouk Durocher, artiste exposée à Circulation(s) 2025. Dans son travail, elle explore l'approche...
08 mai 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Daniel Obasi : l'étoffe de la révolte
Beautiful Resistance © Daniel Obasi
Daniel Obasi : l’étoffe de la révolte
À Lagos, Daniel Obasi, 30 ans, met en lumière les communautés marginalisées du Niger à travers une mode émancipatrice et...
08 mai 2025   •  
Écrit par Milena III