Raconter, inspirer, révéler… La trilogie qui nous sert de boussole pour composer chaque numéro de Fisheye a été précieuse pour départager les quelque 1 300 dossiers reçus pour la première édition du Prix Fisheye de la création visuelle. Lumière aujourd’hui sur Matthias Pasquet, Cristobal Ascencio et Elsa Leydier, trois finalistes.
Matthias Pasquet
C’est à l’issue d’une séance d’hypnose, en 2012, durant laquelle Matthias Pasquet s’est vu emporté sur les rivages de la plage de son enfance Damgan – dans le sud de la Bretagne –, que son projet Dynamique des plages est né. « Ce lieu occupait une place importante dans mes représentations mentales et constituait également un cadre de référence familial en étant le lieu de villégiature privilégié de mes grands-parents. Il s’agit ici d’envisager la déambulation photographique comme un jeu exploratoire d’images mentales, de récits, de réactiver des gestes et des itinéraires déjà empruntés, de questionner la notion d’attachement à un lieu et de tenter de faire émerger des mémoires convoquant plusieurs générations », explique-t-il. À mesure que Matthias Pasquet traverse les écumes du bord de mer en ramassant les coquillages, ou chine dans les tiroirs de sa maison familiale, il construit ce corpus fragmentaire allant de la photographie à l’impression 3D. En résulte un ensemble onirique, où errent des visages et des mirages d’antan.
Cristobal Ascencio
Cristobal Ascencio avait 15 ans lorsqu’il a perdu son père. Mais ce n’est qu’à 30 ans qu’il apprend que sa mort était en fait un suicide. Bouleversé par la nouvelle, le photographe mexicain se plonge dans les lieux, les instants de bonheur qui balisent son passé et nourrissent notre mémoire. « Je manipule ensuite les données structurelles de ces clichés. Je les déconstruis – ainsi que les récits qui leur sont associés – en utilisant le glitch, l’erreur numérique », explique-t-il. Une transformation qui fait partie intégrante de son processus créatif et lui permet d’interroger le principe même d’une image. Comment conversons-nous avec nos souvenirs ? Peut-on se fier à ces photographies d’un temps révolu ? Ou sont-elles condamnées à se détruire, à se fondre dans les méandres d’un « avant » abstrait, comme les pixels de ses créations ?
Elsa Leydier
Elsa Leydier se joue de nos idées préconçues en mettant à mal les images dominantes. Une volonté qu’elle conjugue dans son projet symboliquement fort et visuellement impactant, Les Désobéissances, rassemblant plusieurs travaux autour du concept d’écoféminisme (courant des éthiques environnementales qui pose au centre de sa réflexion la question des relations de genre et de domination, ndlr). « Les Désobéissances prend, sur le fond et dans sa forme, l’apparence et le fonctionnement d’une permaculture. Ainsi, les œuvres qui composent l’ensemble ne sont pas organisées en « séries ». L’exposition de l’œuvre s’apparente à un écosystème structuré autour d’installations et de pièces issues de cinq œuvres : Flora Brasiliensis 3.0, Les Marques, Infinita, Toujours la liberté, LUTOA », explique-t-elle. Changer de prisme, filer les métaphores dans les couleurs ou sur les négatifs, déconstruire nos regards pour fabriquer de nouveaux chemins de pensées… Il y a dans l’œuvre d’Elsa Leydier, une propension au changement, une envie furieuse d’enclencher la suite.