Raconter, inspirer, révéler… La trilogie qui nous sert de boussole pour composer chaque numéro de Fisheye a été précieuse pour départager les quelque 1 300 dossiers reçus pour la première édition du Prix Fisheye de la création visuelle. Lumière aujourd’hui sur Samuel Morand, Jenni Toivonen et Ann Massal.
Samuel Morand
« C’est ma fascination pour la lumière qui m’a mené à la photographie, déclare Samuel Morand. Mon regard se pose alors naturellement entre les choses, là où les ombres s’étendent et où la lumière révèle son infinité de formes. Je défends une photographie purement esthétique, une pause contemplative. » Les noir et blanc cadrés au scalpel par le photographe de 27 ans construisent au fil des images un univers charnel, voluptueux et intriguant. C’est particulièrement le cas dans la série Alliages, où la lumière « apparaît lorsqu’elle coule, s’écrase, s’étend ou rebondit, précise l’auteur. Elle emporte avec elle la trace de ses précédentes rencontres. »
Jenni Toivonen
Dans Are We There, Jenni Toivonen enquête sur ses ancêtres : d’anciens membres d’une communauté utopique créée en 1929 par un groupe de Finlandais dont l’unique mission consistait à vivre en osmose avec la nature brésilienne, loin du capitalisme. Des airs de bossa-nova sortis de la guitare de sa grand-tante en passant par les disques de fado de son père, la photographe finlandaise a grandi au rythme de mélodies locales. « Cette ambiance m’a conduite dans ce vieux village, aujourd’hui entouré par la mémoire de l’ère utopique et par une forêt à la biodiversité très riche, mais menacée. » Entre récit de voyage et épopée familiale, Jenni Toivonen explore l’origine, l’appartenance ainsi que la coexistence à travers des archives et des clichés instinctifs liés à ce désir primitif de connexion à la nature.
Ann Massal
Corps glissants, regards noirs, nuances hallucinatoires, lumières oppressantes… Ann Massal capture, à travers On Love, Violence & the Lack of It, la brutalité de nos relations. « La littérature s’approprie la violence, la qualifie, la crie, la condamne (…) J’ai voulu quant à moi utiliser le médium photo- graphique parce qu’il se différencie de l’écrit. Je souhaitais révéler ce que le philosophe Jean-Luc Nancy appelle le “non vu” », déclare l’artiste. S’éloignant de l’écriture documentaire pour plonger dans un univers fait de doutes et d’irréels, elle souligne les malaises, efface toute trace de manichéisme pour illustrer les nuances complexes qui nous tourmentent. Un écho engagé à la notion de « viol psychique » encore aujourd’hui non reconnu par la loi. « Il est temps de mettre en images ce que les mots ne parviennent pas à définir », conclut l’autrice.