En ce moment même, le Palais Galliera se fait le théâtre des silhouettes sibyllines de Paolo Roversi. La rétrospective, la première qu’un musée parisien consacre au photographe de mode italien, est à découvrir jusqu’au 14 juillet 2024.
Sur des fonds noirs, des silhouettes vives à l’aura nébuleuse apparaissent. Leurs visages blêmes, évanescents, semblent se confondre avec un monde inaccessible à celui ou celle qui observe. Parfois, ils nous suivent même du regard, comme pour se targuer d’être impénétrables. À quelques pas de là, ces figures fantomatiques s’adonnent à une performance. Parées de lumières colorées, elles se meuvent dans des cadres blancs. Les petits Polaroids adjacents invitent à s’approcher, à sonder le décor pour en saisir la matière, faite de nuances et de flou, dans laquelle les modèles s’évanouissent avec délicatesse. Le trouble se prolonge par l’absence de cartels. Nul ne peut dater ces images tant leur composition échappe à l’œuvre du temps. Dès les prémices de sa carrière, Paolo Roversi a su se distinguer des autres photographes en se façonnant cette identité singulière. Tout en se faisant une renommée dans le milieu de la mode, le portraitiste est ainsi parvenu à se tenir à distance de ses courants éphémères.
Une œuvre unique en son genre
Dans un silence religieux, le public du Palais Galliera se perd à son tour dans les expérimentations de Paolo Roversi. Aux instantanés dont il a fait sa spécialité s’ajoutent des tirages augmentés de broderies, conçus dans une impression de collage ou de tableau. Outre la forme, le photographe joue tout autant avec l’essence de son sujet. Dans Nudi, par exemple, série entamée en 1983 à l’occasion d’une commande pour Vogue Homme, il interroge le corps des mannequins, support de récits qu’elles ne maîtrisent pas. Les femmes, dénuées des vêtements qu’elles promeuvent d’habitude, livrent ainsi leur propre vérité. Se dessine alors une frontière poreuse entre l’intime et la représentation de soi, plus que jamais d’actualité à l’heure des réseaux sociaux. Plus largement, l’idée selon laquelle chaque photographie est un portrait, auquel les muses participent, se distille dans chacun de ses projets. Les 140 clichés exposés jusqu’au 14 juillet prochain en témoignent et révèlent en cela comment l’artiste italien s’est emparé de la mode pour créer une œuvre unique en son genre.