
Jusqu’au 4 janvier 2026, la 16e édition de Planches Contact Festival anime Deauville et propose une diversité de regards sur un même thème, désormais imposé par le nouveau format de l’événement. Cette année, chaque photographe en résidence a pensé une série autour de l’intimité.
Il y a quelques mois, Lionel Charrier et Jonas Tebib nous dévoilaient la programmation de la nouvelle saison de Planches Contact Festival, dont ils assurent désormais la direction artistique. Cette 16e édition marque un tournant dans l’histoire de l’événement qui, chaque fin d’année venue, prend ses quartiers à Deauville. Depuis son lancement, celui-ci a convié 170 photographes à investir le territoire normand pour en saisir les contours selon différentes approches. En 2025, outre Claude Cahun et Cindy Sherman, dix-sept talents émergents et grands noms du médium ont participé au festival de création photographique. Au cours de leur résidence passée sur place, toutes et tous ont imaginé des séries autour d’un même fil conducteur : l’intimité. « Le thème permet d’avoir une lisibilité plus forte pour le public. Il se décline de différentes façons dans les projets, mais aussi dans la programmation de la semaine d’ouverture. C’est finalement ce qui structure l’événement », nous expliquait Jonas Tebib dans le cadre d’un entretien à retrouver dans Fisheye #73.




Les différentes réalités de l’intime
Le parcours commence aux Franciscaines avec un dialogue imaginaire entre Claude Cahun et Cindy Sherman. La première joue avec le travestissement et la mise en scène tandis que la seconde interroge les stéréotypes de la femme de son époque. À quelques pas de là, Myriam Boulos, qui inaugure un format de résidence hors les murs, prolonge son travail sur la jeunesse libanaise à Beyrouth. Dans un couloir sinueux, les photographies se mêlent et forment une fresque continue. Nous retrouvons Lin Zhipeng, alias 223, qui immortalise « les choses qui [le] rendent heureux », à savoir des êtres souriants savourant leur liberté en pleine nature, sur le sable comme dans l’herbe verte. Plus loin, Julien Magre a imaginé une correspondance avec une certaine « Madame S. », muse historique et fantasmée qui nomme sa série. Les lettres manuscrites côtoient ici des paysages et des portraits figés sur des pellicules périmées dont les effets rappellent la peinture. Dans un recoin intimiste, Carline Bourdelas explore les états de l’âme humaine en convoquant l’écriture de Françoise Sagan. Dans des monochromes feutrés, les regards et les gestes s’expriment alors dans une mélancolie poétique. Dans un autre registre, Renato d’Agostin joue également avec les détails. Ses compositions épurées, en noir et blanc, se concentrent sur les formes nettes.
Un autre espace fait la part belle à la scène émergente. Naïma Lecomte, lauréate du prix du Jury de la jeune création photographique, a suivi le cours du fleuve de la Touques pour concevoir Ce qui borde. À travers ce travail documentaire, elle témoigne de la multitude d’existences qui s’y croisent. Anaïs Ondet s’intéresse aux jeunes filles qui évoluent dans des zones intermédiaires, « ni tout à fait urbaines, ni entièrement rurales ». Jérémy Appert s’est immiscé dans « un lieu où l’homme fait union avec la machine » : les salles de sport. Là-bas, il s’est entretenu avec celles et ceux qui s’adonnent régulièrement à une activité physique et a, quant à lui, cherché à relever un « défi formel et plastique » à l’aide de son boîtier. Enfin, Simon Bouillère est parti de l’ancêtre du football pour mettre exergue l’aspect populaire et fédérateur de cette discipline.
Cette première étape s’achève sur la boutique généreuse de l’association Photo4Food qui, pour reprendre les mots de Virginie Goy, sa cofondatrice, s’engage à « mettre l’art au service des autres ». À cet effet, elle propose 24 tirages à la vente, signés Daniel Blaufuks, Adrien Boyer, Amélie Chassary et Marilia Destot, tous produits par Initial Labo et non numérotés. Chacun coûte 200 € et l’intégralité des bénéfices sera reversée à la Croix Rouge. Les quatre artistes exposent leurs œuvres au Point de vue. Le premier s’est livré à « une explosion de son journal », fait de portraits, de collages et d’écritures. Le deuxième retranscrit « l’expérience de vivre près de la mer » dans des images évoquant l’absence de limites et traduisant un « sentiment de bascule intérieure ». La troisième présente une œuvre délicate autour de la dentelle quand la dernière déchire ses propres clichés du littoral pour recréer des paysages imaginaires. Au rythme des vagues, l’intime se déconstruit et se recompose ainsi selon les regards, suggérant les différentes réalités qui se cachent derrière ce mot.


