Petit chat attachant aux yeux exorbités, Rave Cat se révèle être un félin possédé par une mission particulière : dérober votre identité. La photographe serbe Jelena Jankovic, son « être humain de compagnie », se confie sur l’existence de ce curieux animal visuel.
Directrice de la programmation du festival de photographie de Sarajevo, Jelena Jankovic endosse une tout autre casquette sur son temps libre : faire rayonner Rave Cat. À partir des clichés effectués dans le cadre de commandes, la photographe originaire de Belgrade appose sur les visages des mannequins un chat spécial à l’allure psychédélique. D’une apparition à une autre, son apparence se modifie. Il se pare alors d’yeux néons, d’un pelage rose tigré ou même noir corbeau dans un unique objectif : dissimuler l’identité de ses victimes. « Le chat est une incarnation fictive de ce que nous sommes, tout comme chaque rôle que nous jouons dans notre vie est inventé. Rave Cat n’est pas une pure invention venue de nulle part, il s’agit de notre propre reflet dans notre industrie et notre environnement créatif », explique l’artiste.
Après chaque séance photo, Jelena Jankovic s’amuse à livrer à ses client·es des visuels supplémentaires où l’étrange matou apparait afin de les perturber dans la réalité et le jeu de rôle propre à un shooting. « Le Rave Cat s’attaque à tout le monde. Personne n’est en sécurité avec lui », alerte l’autrice, avant de préciser : « Il joue avec nous dès lorsque nous jouons le rôle d’éditeurices puissant·es, d’artistes intouchables ou de grand·es directeurices, c’est-à-dire le rôle d’avoir plus de valeur que les autres. » Toujours imprévisible, l’animal se fie à son instinct félin. En s’emparant des identités de diverses personnalités à l’égo bien développé, ce chat énigmatique interroge avec créativité et ingéniosité notre place dans la société
Se construire en dehors des cases
Diagnostiquée dyslexique, Jelena Jankovic a toujours constaté que sa vie entière était mise dans un cadre. Le médium est alors vite devenu son principal moyen d’expression pour l’aider à communiquer avec le monde extérieur. Au premier abord, Rave Cat s’apparente à un projet artistique farfelu. Et pourtant, il permet avant tout de dénoncer la pression de la conformité et d’encourager la liberté d’embrasser des perspectives uniques. « En défiant les règles et les conventions, je cherche à provoquer une réflexion et à inviter les spectateurices à remettre en question les idées préconçues sur l’art, la beauté et le sens. Je crée librement et c’est ce qui fait la force de mon travail », précise-t-elle. Imaginé comme un travail personnel, ce chat délivre un propos universel sur les complexités de l’identité et des émotions humaines. Désormais, sa créatrice vise à lui offrir encore plus d’existence et à lui permettre d’attaquer davantage de personnes dans les rues, des festivals et des magazines du monde entier. « Je vous dis de faire attention, Rave Cat est partout et ne dort jamais », prévient-elle. Une histoire à faire hérisser des poils…